Sous les cheminées rouges Décor de carton-pâte Enserrés dans leurs enclos gigantesques Les animaux meuglent À qui mieux mieux
Dans le pavillon Leurs cris effarouchés Transpercent les tympans de Quelques passants distraits Égarés dans Le vestibule De ces lieux interdits Marteaux et enclumes Envahissent irrémédiablement La cochlée titanesque
Dans une boite transparente Des étoiles phosphorescentes Attendent d’être délivrées Aux bêtes Pour les rendre muettes La nuit Juste pour la nuit
Elle a presque des yeux de biche
Un sourire à peine amorcé
Qui en dit long et rien sur celui qui la dessine
Dépeint ainsi son visage inoubliable
Dans la lueur bleuie
Du soir naissant
Longtemps j’en suis sûr
Elle hantera les rêves les plus fous
De ceux qui daigneront poser le regard
Sur son âme presque offerte
Longtemps
Elle posera
En chef d’œuvre
Dans les annales
De la beauté
Et de ses mystères
Avec une fleur ramassée on ne sait où
Il a levé son chapeau
m’a saluée
Qui était cet énergumène
Qui zigzaguait sans vergogne
entre les allées du jardin botanique ?
Son haleine ne puait pas le rhum
mais l’herbe fraichement coupée
ou quelque chose d’approchant
Non pas qu’il m’ait approchée de si près
-mais le vent le portait jusqu’à moi-
Je n’ai pu m’empêcher
de sourire
sans connaître la raison de ce sourire
ni l’état d’âme qui le soulevait
Quand je suis passée près de lui
-c’était la seule route ou le demi-tour-
il m’a fait un clin d’œil
narquois celui-là
et a sussuré quelque parole informe
J’ai feint de ne rien entendre
D’ailleurs avait-il murmuré
Ou était-ce le vent
Je suis rentrée chez moi
une fleur était accrochée joliment
à mon flanc
comme une signature
Je ne croyais pas à la perfection
Cette chose vive
Éclatante
Soutenue par un pinceau
Subtilement orienté
Pour la mettre en valeur
Cette chose n’avait pas toujours
Eté accrochée au mur
Cette chose avait
Vibré dans d’autres espaces
Confinés
Avait répandu ses humeurs
Brumeuses
Défaite
Et reconstruite
Et défaite
Et victoire
Temporaire
Cette chose dont tu avais parlé
Cette chose qui squattait
Tous les sabirs du monde
Cette chose n’existait
Que furtivement
Entre deux secousses interstellaires
Les yeux voient ce qu’ils veulent bien voir, à moins que les objets, les éléments de nature ne prennent forme humanoïde que pour mieux nous intriguer.
Ce visage, je l’ai déjà rencontré. Quelque part, dans une dimension héroïque ou sentimentale. Il feignait de ne pas me regarder Mais je le sais De coin il m’observait Longuement Alors J’ai fait semblant Moi aussi
Derrière les barreaux serrés Emmitouflée dans ma belle robe noire Les yeux en écoutille Je regarde ces petits d’hommes Aux gestes saccadés. Je les entends pousser des cris D’admiration D’horreur … Ils me paraissent Dans leur chair grassouillette Bien appétissants Bien plus que ces pavés De viande reconstituée Qu’on me lance avec mépris Et rudesse Comme si j’étais un fauve. Ils ne savent pas dans mon pays J’étais princesse J’étais savane Et que les meilleurs morceaux M’étaient réservés. Un jour peut-être Un moment d’inattention Retrouver mes instincts Rabroués Et fuir Au travers des grandes artères Au rythme chaud Du goût du sang.
Je n’ai jamais aimé ce garçon. Plus grand que ses copains de classe, fils unique, il avait un malin plaisir à faire enrager les filles
Dans la cour de récréation, il se faufilait sous les barrières et allait cueillir des orties pour venir les agiter devant les filles en les menaçant de ses grands yeux de bille. Alors, les petites se terraient dans quelque coin sombre pas loin de l’institutrice qu’il leur disait de se disperser.
Elle ne pouvait même pas imaginer que le fils de sa collègue, la future directrice était ce petit démon ravageur.
Je n’ai jamais aimé ce garçon. Puis il a grandi et je l’ai perdu de vue. Quand sa femme est morte, d’un cancer, je n’ai eu aucune compassion pour lui, il affichait cette froide indifférence qui dissimulait sa cruauté congénitale.
Non, je n’ai jamais aimé ce garçon et la réciproque doit être vraie : pour lui, j’étais invisible, à part à la maternelle quand je représentais une paire de jambes juste bonnes à être flagellées.
C’est un pèlerinage
Sans but
Sans lieu de culte
Sans idole
Le même voyage
Euphorique la dernière fois
Ici descendu en flammes
Dans les rougeurs ardentes de l’automne
Ta virtualité toujours aussi palpable
Cette fois-ci
À sens unique
Sur les mêmes routes
ton visage dessiné
Sans traits
ta voix modulée
Sans timbre
Ton rire éclaté
Sans écho
Les sommets suisses
Fondus dans la neige précoce des brouillards
Me narguent de ton absence
Je roule en silence
En écoutant mon cœur troublé par l’arythmie
traverser les fissures goudronnées.