C’était un
voyage imprévu, rencontre imprévue avec un personnage imprévu dans un lieu
imprévu où je m’étais perdue et laissée aller à quelques
« confidences » oh, je vous rassure rien de vraiment sérieux, le jeu
des mots avec les mots, des échanges de balles de plus en plus nombreux, de
plus en plus vifs, de plus en plus percutants.
Cela avait créé
autour de moi une sorte d’addiction partagée semble-t-il.
Sans nous en rendre compte, nous avions élaboré un voyage en Euphorie qui devait durer plusieurs semaines (je n’en savais rien mais j’imagine qu’au-delà de ce délai, les risques de sombrer dans une folie douce sont réels).
Par petites
étapes, parfois insignifiantes, parfois plus engagées. Les émanations du pays
d’Euphorie agissent sur le système nerveux provoquant parfois de fines lésions
qui se dispersent en blagues foireuses ou idées mirobolantes. Mais le jeu en
valait la chandelle, ne dit-on pas qu’il faut entretenir régulièrement ses
nerfs zygomatiques et ici, la période de rodage (vite) terminée, ils
carburaient à plein rendement pour un plaisir apparemment partagé.
Le tout ponctué d’échange de points de vue et agrémenté de musiquettes de notre choix. Une découverte en somme ou plutôt une somme de petites découvertes qui aurait pu former un tout harmonieux. Mais trop nuit à tout, il faut continuer de se faufiler adroitement autour des habitudes de la vie quotidienne, des engagements respectifs, des nuits écourtées et garder un minimum de bon sens.
Le tout harmonieux se vit paré de petites brèches, quelques coups délicats de marteau, puis beaucoup moins délicats, de massue. J’avais senti l’orage et n’avais pas cherché à vraiment m’abriter. J’imaginai une pluie d’été chaude et réconfortante mais je n’étais pas maîtresse du temps. Il y eut des éclairs, des grêles, des averses torrentielles mais le mât tenait toujours au milieu du rivage d’Euphorie, branlant certes, mais prêt à s’accrocher au-delà de la prudence élémentaire. Puis ce fut le brouillard à couper au crachin qui empêchait même les paroles vraies de sortir, elles commençaient à louvoyer dangereusement, se faisaient sournoises, agressives à tel point que le rivage d’Euphorie ne fut bientôt plus qu’un lointain souvenir, les paroles douces, les confidences, les rires aussi.
J’ai bien laissé en cachette du personnage imprévu retourné à l’état de personnage invisible , un drapeau-souvenir qui doit encore flotter quelque part dans ces eaux devenues froides. Quand l’automne revient et que le vent ramène les embruns, j’ai l’impression de l’apercevoir. Alors je ferme les yeux et je tourne quelques pages d’un livre jamais écrit !
Ah, ma douce terre d’Euphorie, un mirage de plus …j’attends un hypothétique imprévu pour raviver ma palette grise !