lundi 28 novembre 2011

Le coq


Ce coq était un vrai fou furieux.
Il régnait sur la cour de la ferme – et grand était son royaume et sur ses nombreuses vassales dont il usait et abusait à sa guise.

Les enfants voisins possédés par je ne sais quel démon tentaient toutes sortes d'expériences pour l’ennuyer et rendre sa crête encore plus rouge.
Ils s’armaient d’une grosse branche d’arbre (toujours la même qu’ils gardaient à portée de la main)à l’assaut de l’animal qui fonçait et se trouvait empêtré dans les brindilles, lui lançaient des cailloux – pas trop gros pour ne pas éliminer complètement l’adversaire, se cachaient dans le foin pour se livrer à des concerts de cocoroco qui le rendaient furibond. Face à cette fourche dissuasive, sa crête virevoltait dans tous les sens : qui osait ainsi s’aventurer sur son territoire et menaçait son sérail ?

Une vieille voisine qui venait acheter des œufs eut aussi maille à partir avec le gallinacé qui d’un coup de bec hargneux lacéra ses jambes et dévoila ses varices dans toute leur splendeur sanguinolente.

Elle accusa les enfants d’avoir excité l’animal, de l’avoir rendu encore plus méchant et décida d’exiger qu’à l’avenir, ils seraient ses commissionnaires à la ferme …bien piètre punition pour des gosses qui adoraient investir le domaine de la ferme et entretenaient à moindre frais leur ration d’adrénaline !

mercredi 23 novembre 2011

Rivale marine




La mer c’est ma vie
Lui disait-il
Même sous la pluie
Même l’hiver
Même dans la tourmente
Si tu veux me connaître
Il faudra patienter
Encore et encore
Que la mer ne veuille plus de moi

Elle souriait
Elle écoutait ses paroles
Sans comprendre
La lourdeur des mots
Leur signifiance démesurée
Leur impact sur un avenir
Aléatoire
Tributaire de la mer
Plus que des sentiments

Elle se disait qu’il se lasserait
De cette eau gloutonne
Qu’il reviendrait
Et ne la quitterait plus
Parce que son attachement pour lui
Était plus que quelques tonnes de vagues
Qu'il finirait par comprendre

Il lui expliquait le bateau
Ses voiles
La soute
La poupe
La proue
Les belles boiseries du capitaine
Et la couche étroite où dans ses courtes nuits
Il penserait à elle

Elle souriait au loin
Elle savait déjà qu’il était
En partance
Qu’il était déjà parti
Et que ses baisers auraient le goût du sel.

mardi 15 novembre 2011

La ville





Avant toi, elle n’existait pas, oh bien sûr que si, sur le papier, dans mes souvenirs d’école secondaire, dans mes frénésies de shopping ou mes vaines tentatives d’évasion.

En réalité, elle n’existait pas vraiment, pas comme je la voyais depuis les rencontres du dimanche, les longs flirts dans le parc, les vitrines où l’on passait le temps à autre chose qu’à se regarder dans le blanc des yeux, les terrasses ensoleillées, les longues stations aux arrêts d’autobus, les signes de la main quand il s’éloignait dans la nuit pour une semaine, une éternité.

La ville était un rêve auquel on s’accrochait, un sapin qu’on décorait de lampions.
Chaque coin de rue racontait notre histoire.
Et puis la vie nous emporta dans une autre histoire, la ville passa au second plan.

J’avais oublié à quel point la vie est belle quand on est amoureux, du moins quand on croit l’être, quand on se fixe, apeuré, un premier rendez-vous en espérant très fort en fermant les yeux que ça se passera pour le mieux, que les atomes s’accrocheront jusqu’à ne faire plus qu’un, que les paroles ne seront que des prétextes pour tisser des liens plus forts plus vrais.

Alors le soir du rendez-vous, quand les pas reprennent chacun leur destination initiale dans des directions diamétralement opposées, je n’avais pas envie de quitter la ville, pas envie de retourner dans un chez moi devenu étranger. Je continuais à marcher pour prolonger la magie, une présence accrochée à la mienne et dans la tête des paroles de tendresse qui résonnaient encore et encore.

Quand les paroles se sont évaporées, que les images sont devenues floues comme ne faisant pas partie d’une réalité contestée, la ville a cet autre visage qui n’est plus qu’un brouillard en formation. Serait-ce l’éternel automne ou verrais-je une autre saison une fois libérée de son regard-souvenir ?

Il va falloir réapprendre à dessiner la ville sous d’autres couleurs que les siennes. Je dois exorciser ces milieux qui furent nôtres pendant quelques instants dont je ne comprenais pas la grandeur et la fragilité ; je dois retourner là où je l’ai découvert, planifier l’indifférence ou prendre la conscience du moment présent, seule avec moi-même, témoin neutre d’une histoire somme toute banale.

Sous un jour nouveau, la ville est devenue une panoplie de villes avec une palette interminable de couleurs, de sentiments, interchangeables ou pas, des crépuscules rougeoyants ou des matins de frilosité, des averses chaudes ou des grêles dévastatrices. La ville comme un monstre de science-fiction, tentaculaire ou vide, comme un fantasme fantasy arc en ciel ou nimbo-stratus en déroute, avec ses petits hommes-pions qui scandent la circulation, ses vitrines exorbitantes où les reflets se noient à foison, ses flaques dont chaque goutte éparpillée ouvre sur d’autres mondes.

Puis un souffle de nostalgie qui gomme le présent, faisant croire encore au miracle de la rencontre, douce ou cruelle récidive.

La ville derrière moi qui m’entoure ou me glace, celle où je t’ai cru vivant, aimant, attentionné.
La ville qui peut encore renaître des cendres qu’elle n’a pas consumées.
La ville ardente comme la vie devrait l’être...




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mercredi 9 novembre 2011

Tout essayé




J’ai tout essayé pour plaire à mon public : l’humour décalé, la poésie ésotérique, les anecdotes croustillantes ou pas, les contes à dormir dans la position de son choix les énigmes sans solutions, les questions existentielles … rien n’y fait, après quelques visites de courtoisie, je me retrouve dans un état délaissé.

Oui, j’ai tout essayé : squatter chez des « vedettes » du web, caresser des écrivains plus ou moins réputés dans le sens du poil, balancer des petites feintes (idiotes, je l’avoue) chez l’un et l’autre, me lancer dans la chanson avec ma voix de fauss(et)é, participer à des ateliers de nécriture, publier des photos kitsch …
Rien n’y fait, on ne m’aime pas et c’est une litote !
On m’évite comme la peste après avoir fait semblant par obligation sociale d’être sympa.

Alors, j’ai décidé d’émigrer vers une île déserte où je pourrais dessiner mes idées sur la plage qui les emportera pas trop vite si ça lui plait, avec fracas dans le cas contraire.
La douche écossaise, il parait que ça peut les rafraîchir, les idées.

Bon trêve de bavardage, je me pends au haut-mât, les pieds dans le vide aqueux.
Souhaitez seulement que la marée ne me ramène pas jusqu’à vous !

jeudi 3 novembre 2011

Embarcation




J’ai tourné le dos
À ma vie
À la berge
À ce qui semblait tout pour moi

Je suis partie sans bagages
Je me suis faufilée
Sous les branches dénudées

La barque, sans effort
M’emmenait
Ailleurs

Mes regrets laissés sur le rivage
Mes bras énergiques emportaient
Mon regard

J’imaginai les terres lointaines
Où je pourrai reconstruire
Une vie
Sans vestiges
Sans remords
Ma renaissance.