vendredi 31 janvier 2014

Rendez-vous manqué


Elle m’avait proposé – ce n’était pas la première fois d’ailleurs, les autres fois, j’avais décliné – d’aller aux Ladies’night, une soirée cinéma réservée aux femmes. Le concept n’a pas l’heur de me plaire mais par amitié, sachant sa solitude de nouvelle célibataire exilée en Belgique, j’avais cru bon d’accepter cette fois-ci. J’imaginai que les soirées devaient être bien longues et même froides, elle qui vivait la plupart du temps sur la côte atlantique juste en face du Maroc.

Elle m’avait proposé d’aller prendre un apéritif chez elle juste avant le spectacle. On n’aurait ensuite eu qu’à traverser la rue pour aller au cinéma… Après mûre réflexion, je décidais de l’accompagner, lui téléphonais pour confirmer, l’apéritif était déjà passé à la trappe dans sa tête, elle ne m’en souffla mot, me donna rendez-vous à 19h15 pour être sûres d’avoir une place. Il y avait une sorte de tombola avant la séance et on pouvait gagner un bon resto, une séance de massage ou des produits de beauté !!! Elle me dit aussi qu’une autre personne viendrait avec elle. 
Je ne sentais pas cette soirée, j’avais cherché le titre du film proposé, et il ne me disait rien qui vaille, moi qui aime le cinéma d’auteur, une stupide comédie sentimentale n’est pas de mon ressort !
Sans conviction, je garai la voiture, et je débarquai au cinéma à 19h25 soit avec dix minutes de retard (un record pour moi qui n’ai pas d’horloge intérieure en dehors du travail !).

J’entrai dans un véritable poulailler, ça pépiait grave, il n’y avait que des femmes hormis quelques mâles égarés, femmes de tous âges, mais non muettes, je me sentais de plus en plus mal à l’aise, je n’aime pas les soirées sexuées et je m’imaginais déjà les bavardages intempestifs dans la salle obscure, moi qui vais au cinéma avec recueillement, un peu comme dans une église, me plonge dans l’ambiance en faisant abstraction de mon proche environnement et en ressors sonnée, transfigurée, enchantée ou horrifiée en gardant pour moi mes premières impressions en dehors de toute critique extérieure.
Oui, je n’avais pas envie d’une séance de poulailler et je ne voyais pas mon amie et sa suivante, j’eus beau balayer l’entrée, nada. Au poste d’affichage, le film affichait « complet » et je vis avec effroi qu’on avait prévu le même projection dans une deuxième salle, la rançon du succès ! Je n’avais pas envie de me retrouver seule à voir un film nullos …J’attendais encore les dix minutes réglementaires avant de rebrousser chemin, soulagée enfin.

Je téléphonais à mon amie pour dire que j’étais arrivée trop tard et que je ne l’avais pas trouvée …
Le lendemain matin, elle passa chez moi pour m’expliquer qu’elle avait eu un empêchement et n’était arrivée qu’à 19h40, elle était désolée que je ne l’aie pas attendu, mais que le film était vraiment nul et que finalement je n’avais rien perdu.
Je lui confirmai que je n’aimais pas cette formule, que je choisissais mes films. Elle acquiesça et me dit que d’habitude elle faisait la même chose mais je la soupçonnais de penser le contraire …
Elle me dit aussi ; préviens-moi quand tu vas au ciné la prochaine fois, on pourra y aller ensemble, je lui disais oui en n’y croyant pas vraiment.

J’aime beaucoup C. mais je l’aime quand je l’ai en face de moi ; il y a une belle connivence quand nous discutons, mais dès qu’elle parle de futurs projets, j’ai appris à me méfier. Que de rencontres par elle élaborées, ont fini en queue de poisson, elle donnait rendez-vous, n’y était pas et quand on l’appelait, elle était en route pour l’Espagne ou le Portugal ou plus modestement la côte belge …et donnant l’impression qu’on l’avait mal comprise …
Elle m’a dit dernièrement qu’elle est parfois dans son monde … je le crois aisément …
Et pour nos rencontres je laisse faire le hasard, entre nous, c’est le meilleur ami qui soit !



mardi 21 janvier 2014

Selle d'un autrâge...




Dans ce pays où le vélo est roi, où les voitures sont aux aguets pour ne pas heurter les cyclistes, où de larges voies sont adaptées pour qu’ils puissent se croiser sans accroc, où des familles de vélo portent allègrement des familles d’humains dans le plus grand respect de leurs rythmes respectifs, dans un coin le long du fleuve, je l’ai trouvé, abandonné de tous. 
J’ai cherché à comprendre ce qui lui était arrivé, quel méfait il avait commis pour être ainsi répudié dans la plus complète indifférence. Il était caché derrière une voiture qui elle aussi avait feint de ne pas le voir, leurs dialogues étaient de silence, d’ignorance de leurs propres règles. Modernité et archaïsme se côtoyaient ainsi sans que leurs univers interfèrent le moins du monde. Elle était élégante, récemment rafraîchie avec amour malgré les risques de mauvais temps. Lui tenait à peine debout je ne sais par quelle ironie du sort, la selle rongée jusqu’à l’os par les affres du mauvais temps, la rouille devenue ultime couverture, un abri ouvert aux vents pour les insectes d’hiver. Il ne m’a pas raconté son histoire ni la couleur de ses premiers atours.
La proximité du fleuve me faisait craindre le pire pour celui qui l’avait chevauché il y a bien longtemps. Quoique ceci soit relatif, un objet, un être abandonné retournent très vite à l’état sauvage par manque d’attention ou d’amour. Peut-être était-il le dernier vestige d’une vie partie au loin, noyée dans les brumes marécageuses du Nord, peut-être attendait-il simplement un retour hypothétique comme un chien sur la tombe de son maître. Peut-être que sous ses dehors misérables  susciterait-il le respect de ceux qui distraitement faisaient semblant de ne pas le voir. Peut-être ne le voyaient-ils pas depuis le temps qu’il faisait partie de leur paysage distant. Peut-être attendait-il patiemment le vaisseau qui l’emmènerait vers le paradis des objets perdus et jamais retrouvés, là où il retrouverait la dignité des choses qui un jour ont compté pour quelqu’un …

jeudi 9 janvier 2014

Longue portée






















Sur la longue portée qui m’emportait, j’ai compté les bécarres, j’ai compté les silences, les bémols, les dièses.
Alignés dans ma botte, ils m’épiaient du coin de l’œil attendant de se mettre en musique.
J’ai couru vers toi, inspirée par ces souvenirs informes dispersés aux coins du vent d’hiver.
L’écho s’il me parlait ne résonnait plus à mes mots, l’écho s’était perdu dans les vagues du non-savoir, du je t’ignore.. l’écho silence aux  allures de glaciation. Mes pensées versatilisées se balançaient fébrilement et toutes les températures du globe n’y pouvaient rien changer.
Tu sais j’aspire à la connaissance, j’aspire à une forme douce de certitude qui ne fait pas partie de la réalité concrète. Est-ce là mon plus grand péché ?
Comprends-tu pourquoi je cherche encore, pourquoi il m’arrive de me révolter contre les vertus exagérées du silence au visage impassible ?
Peut-être me suis-je trompée, peut-être que le silence n’est pas l’exil, peut-être est-il simplement le recul après une décision tranchante qui ne me concerne guère mais qui a  chamboulé mes frêles fondations. Peut-être t’es-tu claquemuré dans une douceur nouvelle, un amour retrouvé où le poids des concessions n’a pas d’importance, où le rêve demeure, funambule suspendu entre un passé dénigré et un avenir prometteur
Peut-être qu’un jour un phénix renaîtra de tes propres cendres en les dispersant au loin comme des souvenirs dépassés. Peut-être cultiveras-tu l’amnésie sans mesure sans recul. Peut-être les ombres du passé reviendront te titiller et découvriront des halos déniés et pourtant à l’époque tellement précieux…Peut-être que le mur que tu reconstruiras avec tes forces nouvelles ne sera plus un obstacle, juste une ouverture …