lundi 28 juin 2010

Suies



Dans ton couloir mutilé
L’ombre a pallié la lumière
Laissant sur les murs autrefois blancs
Des suies éparses
En toi suppure encore la plaie de la gifle fatale
S’insinue perfide dans tes tripes meurtries
Tourne et retourne
Dans un demain passé.

jeudi 24 juin 2010

Une famille



Ils s’étaient assis face à face
Famille vraie
Famille reconstituée
Lire sur les visages les traits qui rassemblent

Ils avaient décidé de faire chacun leur voyage en solitaire
Avec la technique à leur service
Deux adultes
Deux enfants
Les enfants, console de jeux pour compagne
La grande fille était rentrée tout de suite dans son univers
calfeutré.

Le gamin avait envie de parler avec son père
ou à l’homme qui en faisait office.

Mais l’homme avait pris son livre de jeux et
repoussé d’avance la demande non encore formulée.
Alors le petit s’était collé à la vitre du train
laissant défiler rien que pour lui le paysage blanchi
le jeu mal aimé tremblait dans la main déçue et incertaine.

La mère avait fermé ses branchies en les occultant avec des écouteurs
fermait aussi les yeux
semblait chantonner en silence …

Une famille quoi, avec tout ce que cela a d’unifiant et stimulant !

Moi sur la banquette attenante, j’assistais à ce théâtre de vie
entre deux pages d’un livre qui ne me passionnait guère.
Je ne sais pourquoi je pensais à cet homme que j’avais appelé
mon ami et qui m’avait signifié mon
congé, juste à la veille des examens.

Ma situation n’avait rien d’enviable à la leur
ma solitude apparente se frottait à leur solitude feutrée.

Le gamin s’ennuyait, me jetant des regards à la limite du sourire.
Je sentais cet appel – instinct maternel en déshybernation.
J’aurais aimé lui raconter quelque histoire
écouter les anecdotes qui devaient habiter son esprit
et qu’il aurait voulu partager.
L’espace à la fois exigu et large ne s’y prêtait guère.
Pourtant les deux mètres qui nous séparaient
chacun de notre côté
accroché à nos vitres respectives n’étaient rien
comparativement aux kilomètres qui le séparaient de ses parents.

Je lui ai souri.
Il n’attendait que ça pour
me répondre en silence.

Alors, la mère se rendit compte, qu’il se passait quelque chose
Elle enleva ses écouteurs et se tourna vers moi.
Elle voulait un conseil sur le but du voyage,
le marché de Noël à Liège,
à quelle gare fallait-il descendre ?
Je rassemblais dans ma tête mes connaissances très rudimentaires
sur les us et coutumes de la ville
qui n’était pas mienne
en m’excusant de mes imprécisions.
Une glace était rompue.
Chacun sortait de son îlot précaire.
Des mots se libéraient, avides d’espace.
Le gamin, heureux,
d’un geste taquin,
secoua le bras de sa grande sœur.

Enfin, il se passait quelque chose dans un monde
qui contenait désormais plus qu’un singleton …

mardi 15 juin 2010

Le temps d’un renne




Quand le renne est passé
la première fois
tu n’étais pas encore mon roi
ni moi ta reine
Et puis le roi m’a répudiée
me laissant seule avec les
rennes qui n’avaient nul
besoin de moi …

samedi 12 juin 2010

Ta chevelure est tombée sur la lande





Un matin de printemps
La neige venait juste de dévoiler la terre
Le vent encore imbu de violence
d’un coup sec a
ôté ta parure
Elle s’est assortie, accrochée aux brins naissants
Et t’a laissée nue et désemparée
Face à la mer !

mercredi 9 juin 2010

Au pied



Je n’oublierai jamais ce chien magnifique. C’était un matin de juillet, dans la petite ville « au pied » de Nordkapp.
Je m’étais arrêtée devant un supermarché. Il était là, couché devant la porte d’entrée, gardien malgré lui, interdit de séjour …
Il réfléchissait à sa vie de chien et il broncha à peine quand je m’approchai de lui.
Nous aurions pu rester là à nous regarder pendant des heures - coexistence pacifique - à nous raconter nos histoires respectives, dans un silence qui en disait long.

Alors, j’ai voulu l’immortaliser pour que vous aussi ayez l’insigne honneur de l’avoir connu. Résigné il baissa la tête en feignant de s’assoupir.

Mais je savais que sous son œil mi-clos, son cœur bouillonnait de courir dans les grands espaces, de profiter de ces quelques semaines de lumière inépuisable pour recharger ses batteries avant l’interminable nuit nordique.

vendredi 4 juin 2010

Dans son ventre



Elle me dit :
Ce qui se passe en moi
Là dans mon ventre
Je le vis depuis des années
Je devrais me convaincre que
C’était la norme
La mienne
Je portais ce fardeau responsable depuis si longtemps

Ce mal-être
Était partie intime
De mon ressenti quotidien

Et un jour, une embellie
A allégé le poids
J’ai ressenti pour la première fois
La légèreté du corps
Sensation revitalisante
Qui est partie vite, sans raison
Comme elle était venue, comme une
Plume atterrie à la surface
D’une rivière
Et engloutie par un souffle banal du vent

Mais je sais qu’il peut exister
Cet univers sans plomb.

Ce plomb à nouveau me perce l’abdomen
Me triture les tripes
Et me donne envie de hurler.