samedi 24 novembre 2012

Pluie rouge





La pluie rouge a tout emporté
Les mégots des illusions
Les crachats des promesses
Les relents de soleil au cœur

La pluie rouge a érodé les sentiments
Créé des sédiments morbides
Dessiné des mâts
Dans l’échancrure des rêves

Au matin la pluie s’était éclipsée
Tu as ramassé ta besace
Et ciré tes chaussures crottées…


Il est pourtant d’autres couleurs de pluie bien plus cruelles,  celle des poussières tombées sur des visages innocents dans l’empire du soleil levant il y a près de soixante ans qui a changé le destin de milliers de familles et qui transportent encore aujourd’hui cette « malédiction » provoquée par la folie des hommes. La leçon n’a pas vraiment porté : une nouvelle fois victime de l’atome l’année dernière…serions-nous des apprentis-sorciers qui jouons les savants fous …ou de simples victimes d’un profit facile aveugle et criminel ? 
           

mardi 13 novembre 2012

Passent les barques et passent les couleurs




















Ainsi s’en vont nos vies
couleurs avariées
quatre fers en l’air
âme contrite
enrubannée par des griffures du sort

Ainsi s’ancrent les barques
dépossédées de leur force motrice 

L’eau ne les berce plus
se contente du haut
de frapper ça et là
oscille
sans ciller

Les chaînes
peu à peu
se déchainent
jusqu’au seuil du silence.

http://www.youtube.com/watch?v=Et9czwCqMvs 

vendredi 9 novembre 2012

Dézinguées



 Ainsi finissent les relations érigées sur le sable ...


mardi 6 novembre 2012

Magie des mots



















Tu me parles aujourd’hui dans un temps qui n'a pas de barrières. 
La magie de la découverte s’est envolée. 
Mais l’âme de tes mots me touche encore avec la même intensité. 
Ta tristesse est la mienne, ton envie d’aller au-delà des limites m’emporte moi aussi vers des frontières extensibles.
Dans un autre univers, j’aurais pu te toucher, presque en filigrane,
Et toi en hologramme, tu m’aurais donné des couleurs de ciel.

Parle encore, tes caresses blessées, muettes et si douces …

dimanche 28 octobre 2012




Il pleuvait des pétales roses
Qui auraient pu noyer tes pieds

Les gouttes d’eau
qui les accompagnaient
Souffletaient les pétales
Et les émiettaient

À tes pieds sur l’humus
La terre écrasée crissait …


mardi 16 octobre 2012

Envol









Vers moi
Ta solitude
Qui borde les collines
Arpente les rivières.

Vers toi
Mon envol
Ta sérénité lointaine
L’ardeur flamboyante du jour
La finesse ourlée de la nuit …








vendredi 5 octobre 2012

Grigris




















Sous l’oreiller
Elle a posé des pierres
Des pierres vivantes
Qui pourraient tisser son histoire
Autrement
Des pierres vivifiantes
Qui lui donneraient l’énergie
Diluée peu à peu par les années

Des pierres tranquillisantes
Qui contreraient les effets
Des excitants dont elle abuse allègrement
Qui lui sapent le foie en profondeur

Des pierres tendres
Qui lui apporteront
L’amour s’il en est
À défaut
L’amour d’elle-même d’abord
Une reprise de connaissance
Avec son moi profond
Enfoui tant de fois
Sous les afflux des vents
Vitaux et mineurs

Elle attend que le courant
Vienne l’envahir toute entière
La porte dans un sommeil bienfaiteur
Où chaque parcelle de possible
Se construit goutte à goutte

Elle attend
Elle compte les grigris
Elle ferme les yeux
Et sourit
presque
Bien être de pacotille ?


mercredi 26 septembre 2012

Cuisiner les mots

 
 
Tu avais donc si faim
Des mots
Les tortillait, les mâchouillait
Les élastiquait à les briser
Tu dérivais les contraires
Pour qu’ils s’accordent en longues
Files dociles
Puis tu les pesais longuement
Les dérangeais, les secouais

Ils revenaient en arrière
Essayant de se frayer un passage
Malgré ton courroux
Contre ton gré

Epuisé tu laissais
Reposer la pâte
Jusqu’à fermentation du levain
Jusqu’à ce que, fourbus, ils
Acceptent de se laisser mener

Les rangées déblayées
Apparaissaient
Sobres
Et nettes
Percutant les pensées
Délivrant de petits coups de coude
Ou détaillant de grandes griffures

Restait plus qu’à mettre en bouteille
Secouer une dernière fois
bien tasser
Puis ouvrir les poumons de verre
Les laisser vivre à leur guise dirigée

Et lorsqu’on tournait la page
On restait
Étonné
De découvrir ce bel ouvrage
tranchant et touchant.


jeudi 13 septembre 2012

Guérir



Il n’avait pu jamais guérir.
Un cordon ombilical que même le temps et les dispersions n’avaient pu briser.
Trente ans après, il pensait toujours à elle avec la même souffrance.
Il n’avait pu jamais combler ce manque immense.
Il se souvenait à peine de son visage, l’eut-il reconnue s’il l’avait croisée ? Sans doute, non.
Au fur et à mesure les traits dessinés sur la photo qu’il lui avait dérobée s’étaient effacés, laissant seulement des zones plus claires ou plus sombres.
Puis, le feu s’y était mis et avait réduit ces restes en poussière. Tout ce qu’il avait perdu dans l’incendie, ses meubles, ses livres, ses collections, tout cela n’était rien à coté de cet ultime vestige d’elle, la seule chose qu’elle lui avait laissée. 

Elle n’avait jamais voulu lui écrire, elle ne voulait pas laisser de traces. Elle s’était contentée de l’aimer en chair et en os, intensément, follement. Elle ne voulait que prêter son corps mais lui voulait apprivoiser son esprit. Elle restait sur ses gardes, elle savait que l’attrait de l’esprit est le plus dur à détourner, elle ne voulait pas s’engager dans cette voie. Pas encore. Pas maintenant. Ou peut-être, pas avec lui.

Elle le sentait entier, follement épris. Cela lui avait fait peur. Autour d’elle, tant de proches s’étaient détruits au feu de la passion. Ce ne serait pas son cas. Elle donnerait parcimonieusement des bribes d’affection sans trop y croire. 

Elle était partie un jour de septembre et l’automne avait perdu ses couleurs. Les feuilles mordorées qui faisaient de la campagne un spectacle si beau étaient devenues noir et blanc. Elle avait téléphoné à un moment où elle était sûre qu’il n’était pas chez lui. Elle ne voulait pas lui parler pour lui éviter une longue agonie. Elle avait enregistré son message télégraphique sur le répondeur : « Je pars, je t’aime bien, nous sommes trop différents, je ne peux rien faire pour toi. Oublie-moi. »

Rien n’avait laisser présager une fin si tragiquement désespérée pour lui. Comme si la mort avait fauché toute son énergie de vivre. Il avait perdu son fluide de vie, son soleil. 
Il retrouva son ancienne routine, celle d’avant elle. En espérant un miracle qui ferait tourner les aiguilles du temps à l’envers.
Rien n’avait pu cautériser cette plaie ouverte et pourtant invisible. Sa faculté de souffrir s’était focalisée sur cette absence et les épreuves qu’il avait rencontrées par la suite lui étaient presque étrangères, indifférentes.
Il avait voulu s’échapper de ce carcan qui ne lui permettait pas de voir la réalité sous un angle objectif, dénigrant ses rencontres de passage et entretenant sa solitude comme un feu assoupi qu’il faut réveiller. Il se forçait …

Alors il parcourut le monde dès que son emploi du temps lui donnait quelque disponibilité, il n’avait pas de famille hormis la famille virtuelle qu’il aurait voulu constituer avec elle.
Il s’installa sur le divan du psy, lui raconta ses déboires face à ce silence angoissant ; il étudia la guérison des blessures intérieures avec Daniel Maurin ; il explora les couloirs de la sophrologie ; il se plongea sans angoisse dans le monde flouté de l’hypnose et puis, un jour, il découvrit le chamanisme: il fallait qu’il aille au cœur de cette culture.
Il partit pour l’Amazonie, explora plusieurs centres de chamanisme pour finalement s’installer pour un temps in déterminé à Espiritu …Il parla avec le chamane, longuement, sous le couvert d’une traductrice, presque une enfant, il parla de ses trente ans de vie au ralenti, de cet oubli qu’il n’était jamais parvenu à atteindre.

Quand je l’ai rencontré, il était toujours là-bas, ses compagnons du shamanic tour avaient depuis longtemps quitté le centre, il commençait à peine à se remettre de ses fissures, il avait demandé un congé sans solde, à durée indéterminée. Ses employeurs de l’Europe lointaine n’avaient même pas répondu. Il était prêt à puiser dans ses économies jusqu’au dernier euro.

Il l’avait entr’aperçue lors d’une cérémonie de l’ayahuesca. Elvira pour la première fois depuis trente ans lui avait parlé, il pouvait presque la toucher, il n’en avait nulle envie, de peur qu’elle s’échappât, il avait enfin osé prononcer son nom
« Bonjour Heinz »
« Bonjour Elvira »
« Tu es venu si loin pour me retrouver et je suis là
Il faut que tu fasses ton deuil de moi
Je vis dans un autre monde
Je n’ai jamais pu admettre d’être engoncée dans le tien »

« Pourquoi ne m’as-tu parlé alors ?
J’aurais compris »

« Non, tu ne me voyais pas telle que j’étais
J’étais incapable de m’attacher à un homme
J’avais trop souffert
Je n’en ai jamais parlé à personne
Si tu m’avais vue telle que j’étais, dévastée
Tu n’aurais plus pu m’aimer
J’aurais été une souffrance supplémentaire, bien plus que celle que tu as ressentie
Lorsque j’ai disparu sans prévenir ».

Alors Elvira sourit et lui tendit la main, il la serra sans frémir, sans verser une larme et pour la première fois, il éprouva en pensant à elle, une douce sérénité.

Sous l’effet de la drogue, dans la cabane perdue au milieu de la jungle, cette nuit-là, il dormit sans rêve ni cauchemar.


mardi 28 août 2012

Re-gares ...


















Gare du Midi
Le train m’engloutit
Dimanche soir
Jour de foire

Pressée de m’asseoir
Après la course
Première banquette
En face
Un couple

Elle me regarde
En ébauchant un sourire
Presque
Parce que j’ai l’impression
D’y lire une certaine
Rancune
Impatience d’être
Dérangée dans son tête-à-tête
Amoureux.

Son beau visage lisse
Interroge
Scrute mon regard
Nos textures de peau si différentes
Nos yeux si différents
Nos mondes aussi sûrement
-c’est moi l’étrangère- je le sens
Toujours l’ébauche d’un sourire
Presque un point d’interrogation

Lui me regarde à peine
Noyé dans le profil de sa belle
Tout occupé à s’approprier
Cette partie d’elle
Sa main impérieuse posée
Langoureusement
Sur ses genoux voilés

Premier arrêt
Ils se lèvent
D’autorité
Il lui prend la main
Tandis qu’elle me jette un dernier regard
Comme sortie d’un film des années ‘50
Noir et blanc
Avec juste ce qu’il faut de
Soleil
Pour dévider des 
Couleurs filtrées.


lundi 6 août 2012


Partie ...
depuis bien avant le départ ...
Le retour pourra être saison d'ici
ou d'ailleurs
Le temps tisse
aussi des fils invisibles
à celui qui ferme les yeux.
L'oubli n'est jamais total
c'est ce qui fait son charme
et ses tourments ... 

mercredi 25 juillet 2012

Pause-dimanche















 



A l’entrée d’un snack
Un jour de fête
Deux petites filles
Un chien docile
Des visages qui en disent long
Comme si l’enfance déjà s’était éloignée
Une forme de fatigue
Une sorte de résignation …
Leur sourire un peu désabusé
Me donne chaud au cœur
Merci de m’avoir prêté
Votre regard…

mardi 17 juillet 2012

Des mots compliqués...







Je n’ai pas touché des mots compliqués
Dans le bric à brac intellectualisé
Je n’ai pas feuilleté les dictionnaires
À la recherche d’expressions altières
pour construire
Mon propre sabir

Je ne voulais entrer dans aucune file
Ne m’empêtrer dans aucun filet
Ne pas me servir des clés de la connaissance
Ne pas me mouler dans des formes verbales
grammaticales
Classiques ou alambiquées

J’étais simple dans ma simplicité
Je disais le ressenti est né
Inné
Dessiné sans fioritures
Qui obscurciraient
Les pans de la clarté

Je n’ai pas séduit les écrivains
Avec mes écrits vains
Parfois ils m’ont fait signe de la main
De très loin
Dans les brumes de leur autosatisfaction  
puis s’en sont retournés
entre eux pour se complimenter

Je ne me suis intégrée dans aucune caste
Ne me suis reconnue aucun talent particulier
J’ai marché sur des chemins dépavés
Arpenté des mers desséchées
Recouvert des montagnes aux sommets rabotés
Enjambé des steppes avec des bottes de milieu

J’ai aimé des gens qui me ressemblaient
Ou pas
Ou à peine 
A défaut de beaucoup

Je les ai suivis jusqu’à ce qu’ils disparaissent en fumée
Lassés précocement de la vanité
Ce soir les mots sont fatigués
Ils n’ont pas revêtu
Leur costume d’apparat
Ils restent las
Assis à l’ombre
Des grands tapages
Ce soir ils sont plein
De vide
Avides de silence
Ce soir je vais les laisser dormir
Jusqu’à l’aube ou plus …



vendredi 6 juillet 2012

J'en pince





J’en pince pour toi
Plus fort que moi, cette absolue déraison
Même quand tu me largues avec tes phrases-bateau qui crépitent
Et font mal.
Même si je ne veux pas le reconnaître - on a tout à perdre à se montrer vulnérable face à l’ennemi avéré.

Le hic, c’est que j’arrive pas à te donner les traits d’un ennemi, à garder les distances unilatéralement définies ; notre passé de trêve est encore trop présent.

J’espère que tes yeux ne tomberont sur ces mots à toi maladroitement adressés
Je te soupçonne de m’observer furtivement dans ton coin d’ombre. Un vestige de paranoïa, sans doute !
Mais je sais que tu connais mon point de vue et les mots ne peuvent rien ajouter à nos certitudes divergentes.
Et puis tant pis !
Si l’impulsion de te parler se la joue métronome, je suis prête à affronter les roches vives
À compter les égratignures, à sentir ton souffle froid. Le cycle des relations connaît aussi ses variations saisonnières. 
Alors quand m’envoies-tu ton Gulfstream ?

vendredi 29 juin 2012

Rendez-vous premier




















Pour ce premier rendez-vous dans un jardin d’été au cœur de la grande ville somnolente sous la chaleur, tu m’ouvriras ta porte.
M’offriras un nopal (je préfère en ignorer la symbolique).
Tu me trouveras le visage apaisé
Je te trouverai le rire juvénile.

Nos verres inégaux s’aligneront sur le bois blanc surplombé d’une orange, trinqueront sous la belle lumière.
Nous irons nous asseoir à la table fleurie où trônera une cruche azurine cajolée par les rayons de l’après midi.
 Sur le mur un miroir à facettes nous renverra nos reflets multipliés épars et réunis.

Ce sera notre premier rendez-vous, un traité d’amitié mais sans les arrêtés d’application…
Juste la connivence, juste un sourire partagé.
On ne se dira pas au-revoir, on ne fera pas de grands projets utopiques.

De commun accord, on laissera faire nos hasards et vibrer nos impulsions.

 

vendredi 22 juin 2012


























A cette époque, je t’aimais irradieusement.
Comme l’air aime l’air qui de part et d’autre le traverse dans une caresse amoureuse.
Je t’aimais, ou du moins, je pensais pouvoir t’aimer sans limite dans le temps, sans réserve dans les conditions…


samedi 16 juin 2012

Datation




















Parfois je me trompe dans les dates.
Suivre leur fil permet, paraît-il de voir l’évolution de la pensée dans le temps, l’espace et les remous de l’âme.
Mais évolution, révolution, involution …n’est-ce pas un peu la même chose ?
Que t’importe de savoir que j’ai écrit ça au printemps de ma vie ou au printemps tout court ou un autre moment plus mature !
Le degré de fraîcheur de mon visage t’apportera-t-elle une connaissance plus précise de moi ?
Je ne pense pas.
D’abord les pensées si elles explosent en-dehors de nos petites personnes, passent par le regard.

De tous les étrangetés dont notre corps est plus ou moins harmonieusement constitué, le regard à travers le temps garde une égale faculté de s’émouvoir, de cligner les yeux face à la lumière, de gémir dans les grandes brumes matinales, de sourire à tous vents, de caresser avec ferveur la manifestation de la belle jeunesse.
Les racines de cette pensée que j’essaie maladroitement d’exprimer, quand ont-elles trouvé leurs sources ?
Hier, aujourd’hui, autrefois ou une prémonition de demain ?

Pour semer des petits repères sur ma déjà longue route, j’écris les mois et années au creux de mes textes, histoire d’enfoncer des clous dans un calendrier imaginaire.
Souvent, par après, je me découvre une dyscalculie dateuse orientée plus vers le futur que vers le passé.
Est-ce l’aveu inconscient d’une aspiration à l’uniformité ? Ne pas avoir de jalons pour rythmer son parcours, n’avoir que cette légèreté qui fait de chaque instant un moment unique en lui-même au présent éternel ? 

vendredi 25 mai 2012

Mythique invasion ?



Tout d’abord, j’ai remarqué des fils défaits qui traînaient ça et là, des petits trous minuscules qui formaient des petits yeux multiples dans le tissu.
La machine avait dû accrocher quelques fils mais quand les trous se multiplièrent quelle que soit la nature de la matière, j’ai commencé mon inspection.

J’avais laissé sous le lit un sac en toile avec des vêtements que j’avais ramenés de mon ancienne chambre. Je me suis rendu compte que le sac était lui aussi troué et en l’ouvrant j’ai trouvé des espèces de cocons disséminés ça et là. Parfois un papillon blanc sortait du lot et même mon chat léthargique ne daignait pas lui jeter un œil d’ailleurs à moitié ouvert.
Si j’avais pu collecter la matière constituée par les trous, j’aurais pu lancer une série de confettis multicolores mais ces confettis étaient invisibles voire inexistants ou dans une autre dimension de la physique !
C’est alors qu’ont commencé les cauchemars et leurs interférences avec ma réalité.

Je rêvais que d’immenses papillons blancs ou noirs selon l’éclairage de mes songes venaient me picorer le visage avec leurs antennes gluantes. Je me réveillais en nage et j’allumais la lumière en m’armant de la tapette à mouche mais je ne voyais aucune poussière d’ailes.

Puis j’entendis des petits grignotements, ça ne pouvait pas être de souris car mon chat malgré sa fatigue chronique avait gardé quelque gène de chasseur, je l’avais déjà vu à l’œuvre déguisé en bourreau jouant avec une boule de pluches qui se délestait au fur et à mesure de ses coups de pattes.
Le combat était inégal et mes alliés (même le chat) inexistants.

Je tenais pourtant à ces lambeaux qui un jour m’avaient servis de fringues, allais-je devoir courir nu faute de fripes convenables ?
 
Tout ce que j’achetais finissait par être contaminé, je voyais des lignes frêles lacérer mon canapé, les essuies, les draps servaient aussi à la confection de dentelles en formation.

Je me rendis chez un droguiste pour avoir un conseil judicieux mais les renseignements que je collectais ça et là étaient contradictoires : les monstres ne s’attaquaient qu’aux fibres naturelles, l’expérience me disait que ce n’était pas leur domaine exclusif, j’achetais des dizaines de bombes d’insecticides dont je parais les vêtements atteints ou susceptibles de l’ être par cette érosion et je les enfermais dans des sacs étanches qui bientôt envahirent presque tout l’espace libre de mon petit appartement ; j’entreposais alors les paquets jusqu’au plafond dans ma salle de bain réduite au minimum, il me restait à peine de quoi prendre une douche rapide en grelottant en pensant aux compagnons indésirables qui, je croyais, continuaient à veiller  sur mes ablutions s’ils avaient pu résister aux produits chimiques.

Je ne suis pas loin de la névrose obsessionnelle, d’une paranoïa papillonesque.
Je guette avec effroi les bruissements d’ailes à l’orée de la nuit, je calfeutre les fenêtres, en sachant bien que si l’ennemi est déjà sur les lieux, la chaleur ne fera que raviver ses ardeurs.
A l’heure où, désespéré je vous envoie cet ultime SOS, j’imagine que même les feuilles de ma lettre pourraient elles-aussi faire l’objet d’un repas dévastateur …j’entends presque déjà les bruissements de quelque insecte invisible qui attend l’ombre pour se livrer à ses horribles méfaits...