vendredi 28 janvier 2011

Pleine lune voilée



La lune, entretemps, avait complètement disparu.
A travers les branchages encore nus, j’imaginais plus que je ne voyais, une lueur vaporeuse et floue, diluée dans des volutes nuageuses.
En marchant dans l’herbe craquante, j’effrayai quelques oiseaux tapis dans les arbres. Ils voletaient alors d’un arbre à un autre sans donner l’impression d’obéir à un rituel standardisé.
Quand la belle ronde éclaira de nouveau son visage rieur, j’abandonnais mes proies factices pour me consacrer à une longue séance de dévotion photographique. Elle ne s’en formalisa guère, hormis quelques soubresauts obturants, elle se laissa caresser avec délectation malgré le froid piquant qui embrasait la nuit.


samedi 22 janvier 2011








Touche moi
Touche moi encore

Juste à l’angle des mots
Dans la courbure du cou
Sur le duvet des rires étouffés

mardi 18 janvier 2011

A chaque doigt




Elle avait des bagues à chaque doigt, de grosses bagues qui brillaient dans la nuit, rouge, orange, bleue …les couleurs de l’arc en ciel peut-être mais elle ne savait rien des couleurs de l’arc en ciel, elle disait ça fait joli et cela suffisait à sa satisfaction.

Il ne lui faudrait pas grand-chose pour faire son bonheur, des petits morceaux à joindre les deux bouts, le sourire convoiteur d’un homme pas trop mal foutu, une bouteille d’alcool ouverte dont le parfum s’évaderait délicatement.

Dans son deux pièces aux couleurs étriquées, un lit bancal, des rideaux délavés, un table aux pieds érodés par des griffes de chats-chiens, une tasse ébréchée, une cafetière en porcelaine de Chine.

Longtemps qu’un homme n’était entré dans ce sanctuaire de troisième catégorie. Longtemps qu’elle n’avait frotté le miroir graisseux où elle aurait pu se contempler déflouée.

Il lui restait ces mains de carnaval, déguisées pour la nuit, des mains sans caresse à donner et à recevoir, des mains transformées par l’arthrose que toutes les pierres du monde ne pourraient soigner. Des mains qui avaient frotté jusqu’à l’épuisement des corps d’abord, des objets par la suite.
Des mains si lourdes d’avoir porté toutes les détresses du monde.

Elle prit dans le tiroir une cigarette et un briquet, ce fut son dernier geste, celui qui ébranla son édifice.

mercredi 5 janvier 2011

Le frigo-litige




Le vieillard habite un étage plus bas
Elle passe devant sa porte
Chaque jour
Pour monter l’escalier délavé
Parfois la porte est légèrement entrouverte
et un œil fatigué la scrute sans parler

Elle vit
Sous les combles
Si minuscules
Qu’elle a dû exiler le frigo
Dehors sur le palier

A plusieurs reprises
Elle a entendu les marches
Grincer
Elle l’a surpris
Redevenu vif
À chaparder
Quelques victuailles

Malgré son apparente
Nonchalance
Il a réussi à fuir
Comme un voleur
Qu’il est
Elle a beau frapper
À sa porte
Il fait le mort

Peut-être qu’il l’est vraiment
Après cet effort
D’un autre âge

Pendant plusieurs jours
Le doute subsistera
Il ne se montrera pas
Ne fera pas crisser sa chaise branlante
Sur le plancher geignard

Jusqu’à ce que d’autres choses
Disparaissent
Ah, le bougre, il a le feu sacré
Et la main alerte.

Peut-elle lui en vouloir
« Un vieillard malade
et pourtant si gentil
ne ferait pas de mal à une mouche
jamais une plainte »
dira le propriétaire
qui s’en fiche.
Diantre, c’est pas son fromage
Et son steak qui se volatilisent !