mardi 25 octobre 2011

Entre les brins verts




Un œuf en caoutchouc
Gisait sur l’herbe sauvage.
La clôture verte n’osait s’en approcher
De peur de le briser.

Les trèfles et les boutons d’or
Lui faisaient office de litière
Entre deux orages.

En prêtant l’oreille
Sans le harcèlement des grillons
On aurait pu entendre
Son cœur
Se disloquer
Puis resurgir

jeudi 20 octobre 2011

Panne




La lune était sous le châssis
Bien calée sous les crampons noircis

En lisant le mode d’emploi
Je me rendais compte
À quel point je m’étais embarquée dans l’aveugle

Des termes barbares me riaient au nez
Leur consonance lourde sonnait faux
Ces pattes de mouches
Avaient-elles un sens pour le voyageur ignare?

Quand j’ai enfin à tâtons
Réussi à libérer la lune de ses crocs
La nuit profonde était tombée
Sur la campagne muette

Ma lampe de poche
Aussi !

jeudi 6 octobre 2011

Noire campagne




Dans ces pays de noire campagne, la vie était rêche mais on s’y habituait.
On s’habituait au regard noir des ouvriers agricoles, à l’œil perçant des chasseurs de gibier, aux pas feutré des braconniers, aux chiens qui aboyaient comme pour rire parce qu’une plume avait enfreint leur champ sensoriel, au chant des coqs déphasés qui chamboulaient le rituel sacré des heures.

A l’époque la grande menace pédophile n’était pas encore arrivée, les enfants pouvaient courir en vagabonds du dimanche, les mèches rebelles, les brins de foin parfumant leurs épis, leurs culottes trouées par les ronces ou les barbelés qui voulaient leur barrer le passage.

Chaparder était un sport de part et d’autre, certains endroits étaient tolérés comme no man'land et on faisait peu de cas de la disparition de quelques pommes véreuses ou de poires d’août juteuses mais à la vie éphémère.
Les garnements faisaient provision de ces fruits défendus et allaient se cacher au sommet des chariots de meules de foin en procession estivale.
Ils riaient saccadé tandis que leurs rires étaient étouffés par le grincement des roues et les sabots des chevaux de trait.

Dès qu’une rare automobile croisait leur convoi, ils se terraient ne laissant paraître que quelques cheveux ébouriffés noyés dans les fétus, pour qui aurait levé les yeux vers le ciel.

samedi 1 octobre 2011

Tous des photographes




Nous sommes tous des photographes, chacun à notre façon, nous regardons le monde à travers nos objectifs avoués ou pas, avec nos réflexes ou nos compacts.
Nous impressionnons la pellicule des apparences, nous nous arrogeons le droit d’en quantifier l’exposition, niveller les niveaux selon nos humeurs, caresser les courbes sous l’abscisse à peine effarouchée.
Quand le sujet relève de l’objet inanimé ou presque, la tâche est facile, on peut l’ombrer, accentuer ses contours, lui jeter un cœur d’aquarelle, sans risquer de le dénaturer à l’alcool de nos envies.

Mais pour l’humain, il faut louvoyer avec finesse, déjouer ses plans sans qu’il s’en aperçoive, capturer son image en lui donnant l’impression de jeter un regard subreptice autour de lui et surtout ne pas insister sur ses défauts en les gommant. Une verrue capturée effacée est une insulte à son intégrité physique. Lui lisser la peau est une manière indélicate de lui rappeler qu’il a vieilli. Par contre le maquillage de ses yeux rouges lui fera agréablement oublier ses tendances vampiriques.

Nous transportons notre attirail léger et terrible dans nos programmes de réinsertion, notre palette multicolore peut pâlir ou foncer à volonté selon notre humeur du jour.
Nous sommes des chirurgiens de l’âme dressés à l’esthétique des sens.
Nous sommes des météorologistes capricieux qui changeons les lueurs du ciel.
Nous sommes des miroirs du temps que nous façonnons à notre guise.
Et quand il nous faut revenir sur terre et qu’un miroir impertinent et vrai nous renvoie notre propre image nue, nous fermons les yeux pour ne pas la voir, préférant l’œil noir et subjectif de notre objectif.

Nous sommes tous des photographes.