jeudi 30 décembre 2010

Ressemblance




Je te parle et voilà que l’on se ressemble.
Vite on a gommé les aspérités des premiers débuts
Étalé le sable doux sur la plage nue
On s’est blotti dans les remparts des grains lisses

Je te regarde et me vois en miroir
Toi dont je n’ai pas encore dessiné le visage
Sur l’ardoise du passé

Ton sourire invisible illumine
Les coins obscurs du jardin
La rosée prend des allures d’étoile
Les épines lissent leur contour
Deviennent caresses infinies

Dans la lueur naissante
J’ai rencontré ta main
Tendue
Douce au toucher
Et de ma main j’ai construit
Une histoire

Je te parle et voilà que l’on se ressemble
Le présent s’arrête
Et déborde mon continent
Ne pars pas
Pas encore …

lundi 20 décembre 2010

Dans la neige




Les framboisiers se sont habillés de blanc et le jardin paraît grandi.

Dehors un chaton a posé ses doux coussinets sur l’étendue glacée et cherche en vain quelque coin d’ombre, le long des murs pour avoir le contact plus agréable - semble-t-il - avec la pierre humide.
Puis il disparaît sans rien dire. Je ne connaîtrai jamais sa réponse.

Je sais simplement qu’il est bien cruel de le laisser dehors malgré son pelage étoffé qui se confond par endroits avec la neige. Seuls quelques tâches gris perle, deux yeux émeraude et un petit museau tout rose attestent de son existence matérielle derrière les petits flocons légers qui estompent ses empreintes volatiles.

mercredi 15 décembre 2010

Duvet



Il tombe des flocons virevolteurs

La glace peu
à peu
perd sa
transparence
les plumes deviennent
édredons
les amas
s’amassent
repères recouverts

Je marche en aveugle sur le sol qui croustille

Timide j’ai toujours peur de briser
la glace

jeudi 9 décembre 2010

Marché de pluie




Il pleut sur la ville, sur la campagne, sur mon cœur ou ce qui me reste d’âme
De grandes trombes presque tièdes qui ne suffisent pas à réchauffer.
Sur le marché presque vide, les commerçants comptent leurs clients et s’apprêtent à remballer leurs marchandises à peine déballées.
En me servant, ce jeune marchand sympathique relativise la situation : je rentrerai plus tôt, ma femme et mes enfants seront contents de passer plus de temps avec moi.
Son enthousiasme me fait sourire, qui sait combien de temps durera cette situation, quand les premières disputes auront éraillé l’entente des premières années, quand les enfants mèneront leur combat d’adolescents contre le monde établi ?
La pluie qui rend au ciel cette griseur d’automne aurait-elle autant de facettes que nous avons d’opinions sur le vivre ?

samedi 4 décembre 2010

Puzzle




Sur le grand échiquier de la vie
Une pièce de puzzle à jamais terminé
Passant d’ombres à zones de lumière
Nuit à jour
Orage à sérénité

Brume à contours marqués
Des vases contrastés
Sentinelles immobiles
Emportent
Nos pensées
Ramènent nos pas
Dans les ornières
De la banalité

Jusqu’à ce
Qu’un éclat...

dimanche 28 novembre 2010

Choses bancales




En littérature
Un nouveau concept était né
La poésie des choses bancales

Les intellos diraient
Qu’il s’agissait encore d’un nivellement
Par le bas
Un rabotage des crêtes en quelque sorte

Quoi ?
Mettre la poésie aux mains des manants
De ces juste alphabétisés
Qui se gaussent de pouvoir aligner
Des syllabes
Dans un ordre capricieux

Et surtout pas de rime
La rime déprime
La rime décime la créativité
La créativité des masses apporte du sang nouveau

La poésie en fast-food
La poésie en barquettes prêtes à être enfournées
La poésie en veux tu en voilà
Habillée de paillettes achetées par kilos au bazar du coin

C’était la mort
Du toro
Dans l’arène
Un combat injuste
Contre l’esthétique
Contre la spécificité de l’écriture
La négation de leur statut de classe
Tellement supérieure

La poésie des poubelles
Des couches-culottes souillées
Des pieds de nez à l’étiquette
Des jurons élevés au rang d’ukase

Il fallait donner sa chance
À tout le monde
Rendre accessible les mots
Les rendre extensibles
Et jeter les classiques au pilon
C’était impératif
Ceux qui ne s’y pliaient pas
Seraient rudement sectionnés.

mardi 23 novembre 2010

Plume (s)



J’ai toujours pensé que tu avais une plume
Toi qui habillais des chapeaux de mille fanfreluches plumetées

Quand tu avais fini ta composition
Tu prenais du recul et tu éclatais de rire
En balançant tes ciseaux, tes aiguilles.

J’aimais la plume qui squattait ton cerveau
Elle était légère et rieuse
Et tes chapeaux m’enchantaient

jeudi 18 novembre 2010

Dijon




J’ai vu Dijon, le Dijon qu’avait vanté Aloysius Bertrand, je l’ai vu dans la belle lumière d’un dimanche après-midi, j’ai vu le jacquemart, la cathédrale, les gargouilles ricanantes prêtes à me sauter dessus, je les ai figées de mon œil photographique.
Je n’ai pas aimé les touristes dont j’étais, j’aurai voulu la ville pour moi seule avec ses souvenirs redevenus dans ma tête vivants comme les comédiens de la vie d’antan.

Je suis entrée dans un musée et je me suis promenée, guettant la courbe racée d’une sculpture, l’expression d’un regard, le détail insolite, un lion aux yeux d’humain, des viscères étalées au milieu d’un ventre ouvert, et le visage de Napoléon, jeune, d’une belle couleur ocre avec les cheveux rangés et presqu’en bataille.
Je l’ai regardé sous toutes ses coutures, le captant dans mon viseur, manège qui a inquiété mes voisins, un couple du troisième âge.

Nous avons parlé longtemps, de photo, d’art, d’enfants, de métiers, de perspectives d’avenir. Elle, parisienne n’aimait pas Dijon, trop petit, trop mort…venue ici pour rejoindre un fils unique qu’on avait muté et qui a fini par ne plus avoir besoin de ses parents…Désillusion, déception de retrouver son mari retraité dans ce cercle réduit du couple.





Je lui dis la raison qui m’a attirée ici : retrouver ces ébauches de vie médiévale que le poète a décrites avec tant de ferveur.
Elle a mal compris, elle me parle du film de Yann Arthus-Bertrand qui a impressionné tant de monde. Je rectifie, mais cela glisse, elle ne m’écoute pas enserrée dans son monde d’indifférence et de dédain …Elle voudrait me prendre à partie, me dire sa solitude de femme, ses échecs de mère, la vie qui s’écoule loin de la ville où elle est née…

Mais d’où je viens, dans cette retraite de la montagne, dans cet embrasement de rochers, le contact avec la ville, les musées, les gens me paraît soudain si vain, si futile, absente au milieu des pierres, des monuments, des voitures, des piétons.
Je voudrais retrouver la solitude de la nature, la garder longtemps en moi. Je voudrais retrouver l’essouflement de la montée, la fatigue des mollets, la raideur des bras qui empoignent les marches et accrochent les longes, l’arrêt, suspendue dans le vide, pour embrasser le paysage alentour, les exercices de funambules sur la planche ou sur les filins avec pour toute attache deux fils qui me raccrochent à la vie et me sentir à la fois si haut et si petite…
Dijon, toi, si belle, je ne suis pas disponible pour toi, tu n’es qu’une étape sur la route du retour…






jeudi 11 novembre 2010

Disparue sans le savoir ?




Pendant quelques lambeaux du temps, je m’étais retranchée du monde.
J’avais traversé des mers, des fossés, des étangs, escaladé des murs, des montagnes, des étoiles au-delà de la voûte céleste, à la recherche d’un signe insolite.
Je m’étais évaporée, goutte d’eau caressée d’un rayon de soleil.
J’avais décomposé mes particules de matière pour les recréer dans un ailleurs parallèle.
Le lit gardait l’empreinte encore chaude de mon corps évanescent.

Il s’était retourné, me regardait et ne voyait rien qu’une légère boursouflure repoussée par les draps.
Il s’étonna de mon départ silencieux, me chercha dans la grande maison vide.

Quand il revint enfin, escorté par son inquiétude, je m’étais recomposée.
Je dormais calmement.

Il me demanda d’où je venais.
Je ne comprenais pas sa question.
J’étais restée suspendue dans les bras de Morphée.
Imperméable à son remue-ménage.

Il lui aurait suffi de se pencher vers l’ombre de mon corps invisible pour percevoir dans le silence le rythme régulier de ma respiration.

jeudi 4 novembre 2010

Abandon


Elle gisait là, au milieu d’un champ, sur une petite route de campagne déserte.
La cruauté des gens n’avait-elle pas de limites, elle avait servi fidèlement de réceptacle pour les postérieurs les plus divers, avait subi les assauts grattouillés des matous limeurs.
Elle était passée du salon à l’arrière cuisine presque sans transition, on l’avait jetée une première fois sur la rue, elle avait passé une nuit d’angoisse an attendant le camion-poubelle.
Par chance, des étudiants l’avaient récupérée avant le grand fauchage pour lui faire exécuter des prouesses photographiques.
L’année scolaire était terminée, ils devaient vider leur kot et se débarrasser de leurs vieilleries.
L’un d’eux avait pensé la faire passer entre les mains habiles d’un copain ébéniste, l’avait emportée dans le bric-à-brac de sa 2 CV déglinguée, s’était reviré en cours de route, imaginant déjà la tête des parents en voyant cette épave, avait pris un chemin de campagne et dans un dernier sursaut de non-violence, l’avait déposée délicatement sur la terre dont elle sentait déjà la moiteur dans ses flancs !




mercredi 27 octobre 2010

Départ ?



Dessin Marlène
Publié dans Blog à 1000 mains

Tu n’as pas compté les étoiles ce soir
Petite Fée.
Tu n’es pas apparue à l’embrasure
Tu n’as pas soufflé sur le vent
Entre les volutes de ton balcon
Ni éteint l’allumoir des réverbères.

Entre les pans de la lune
Qui se mire derrière les nuages étroits
Tu n’as pas annoncé la couleur du temps.


Où es-tu, Petite Fée ?
Dans quel royaume dévasté
Cultives-tu cette nouvelle passion
De l’absence ?

vendredi 22 octobre 2010

Pause

Un voyage éclair sans orage, j'espère

lundi 18 octobre 2010

Matin sans ivresse




Ce matin-là
un matin apparemment
comme les autres
tu avais oublié de me dire
bonjour
ou feint d’oublier.
L’écran était resté éteint
muet
et j’avais beau guetter quelque étoile.
Rien.
Ce matin-là
pourtant était
le début d’une nouvelle routine.
Sans toi.
Sans rires
sans escale
pour scander le rythme de mes jours
sans rythme.
Ce matin engourdi
piteux
inepte
où notre barque a pris l’eau
et n’est jamais remontée
à la surface.
Ce matin
après tant d’années,
toujours aussi froid dans ma mémoire

mercredi 13 octobre 2010

Vacances-bruine à Ostende




Je regarde la mer
Sur la vieille carte postale jaunie
Fraîchement sortie d’un coffret argenté
Piqueté d’un embryon de rouille
Du fond de mon grenier
Du fond de ma mémoire

Je me souviens
Week-end d’exil
Deux adolescentes en mal d’amour
Ce petit hôtel modeste
Désert en ces pluvieux jours de février
On mangeait en silence ce copieux repas du soir
Sans même entendre une mouche voler
Dans le resto ouvert rien que pour nous
Ils attendaient sans doute que l’on fasse vite
Pour fermer et récupérer un peu des longues stations debout des saisons estivales sans répit.

C’était la mode des parapluies transparents
Qui enveloppaient tout le haut des silhouettes

Et cette promiscuité avec le corps arqué
Qui leur permettaient de résister au vent
Chacune dans sa coque emmitouflée
Voix estompées sous la houle des vents

Malgré la bruine transformée en presque gouttelettes de brume
Nous avions l’impression de voir où nous marchions
Sur les pierres grises de la digue
Sur les coquillages écrabouillés dans le sable des dunes
Et les bancs de sable inondés et déserts.

mardi 5 octobre 2010

Un visiteur



























Sous les combles
Craquelants
Fissurés de juillet
Un lézard les observait
Ne comprenait rien
À ces gestes fiévreux
Ces mouvement irraisonnés
Murmures entrecoupés de gémissements
Ou l’inverse

L’heure de la sieste était sacrée
Pourquoi y déroger
Ces humains
Étranges

Dans un moment de clairvoyance
Au milieu des ébats
Elle le vit
Et poussa un grand cri
Un vrai, cette fois

Le charme était brisé
Le lézard effrayé
Se faufila par l’interstice
À peine visible
D’où il était venu

L’homme
Soudain neutralisé
Se retourna brutalement
De son côté
En grognant

mercredi 29 septembre 2010

Les rues



















J’ai aimé ces rues
Quand elles parlaient de toi

Avant qu’elles ne parlent de toi
Elles m’indifféraient
Après
Elles me sont devenues
Insupportables

Et pourtant
Leurs lignes n’ont pas changé
Leurs odeurs sont les mêmes
Les murs qui les ponctuent
Scandent toujours le rythme du temps

dimanche 26 septembre 2010

Souk de mémoire






Les courants passent
Des visages s’effacent
Après l’amitié
Ou l’amour
Ou la sympathie
Ou l’émoi
La tourmente
La suite inexorable des jours
Tout ça jeté pêle-mêle
Dans le souk de mémoire



Et maintenant ils mentent
Sans jamais se poser
De questions
Pas de retour en arrière
Comme chaque feuillet d’un livre séparé
Complètement de son contexte
Dans leur vie sans aucun
Fil
Aucune
Colle de reliure
Détachée
Prête à se remplir
A se vider, à remplir, à se vider …
Une benne béante
Et amorphe
Devant l’inanité du monde.

mardi 21 septembre 2010

Juillet à Rome, une noire




A travers les larges stries de lumière
Une ombre fulgurante
a tracé
une imprévisible trajectoire

Sur le visage de la femme
Noir d’ébène
Une ligne rouge
Grandit
Descend
S’éparpille
En dévalant le corsage blanc
Buvard
De fines fleurs de sang
S’épanouissent
Dans la transpiration moite
De juillet

Sur la banquette
Un gros tesson
Et ses satellites
Ont atterri
Fini leur virée colérique

Le chauffeur hébété
A ouvert la porte
Le voyou est descendu
Sans demander son reste

Une jeune fille
Ecoeurée
Crie au scandale
Dans l’indifférence sournoise

Rudiment de leçon de solfège
Une noire est bien la moitié d’une blanche
Ou moins.

jeudi 16 septembre 2010

Les deux lunes

















J’ai pris le sentier des deux lunes
La jaune et la verte.
Il était clairsemé d’étoiles multicolores
Je sautillais lourdement
Avec mes sabots orthopédiques
De peur de les écraser
de ne laisser que poussières
Qui s’envoleraient aux
Quatre vents folâtres
Des deux lunes.

Au plus j’avançais
Au plus les lunes s’éloignaient
Je sentais leur souffle
Se réduire
Et bientôt disparaitre

Alors je me suis assise
Oubliant les étoiles sacrifiées
Puis allongée sur ce qui restait de terre
J’entendais contre moi
Battre sournoisement
Le cœur de la planète.

vendredi 10 septembre 2010







A force d’attendre un signe même infime de toi
Je me suis fissuré

J’avais pourtant revêtu ma plus belle parure

Mais rien n’y fit

La boite demeurait définitivement muette
Et je n’eus plus qu’à longer les murs

vendredi 27 août 2010

Des coups sur la persienne






Elle était venue tambouriner à la porte
J’avais déjà sonné le couvre-feu
J’avais déjà fermé les persiennes
Qui m’excluaient du monde

Je la connaissais de vue
Une forte femme à l’ossature puissante

Sa voix à côté de cette silhouette sculptée
Semblait empruntée à quelque autre,
Fluette et craintive

Elle m’a priée en hoquetant
De la laisser entrer
Tandis que sa poitrine opulente
S’agitait en soubresauts réguliers

IL allait se rendre compte
De sa fuite
Et la poursuivre
Pour continuer ce qu’IL avait commencé
Quelques heures plus tôt :
Un tabac

C’était sa manière-lanière
De lui prouver son affection
Avec éclat
Devant l’enfant
Qui n’était pas le sien

J’ai appelé la police
Me suis heurtée
À l’indifférence
Les femmes battues
Ça n’intéresse personne
N’ont que ce qu’elles méritent
C’était la xème fois …
Et quand ils arrivaient
Tout était recousu
IL se saoulait
Cassait ce qui était à portée de vue
Puis s’attaquait à elle
Moelleuse et consistante

IL a de nouveau frappé
Cette fois
À ma porte
J’avais coupé la sonnette
J’ai pensé
IL a un flair de limier
Non, il avait simplement vu
La lumière rouge filtrer
Derrière les rideaux mal lissés

IL pleurait presque
Regrettait
Ne recommencerait plus
Du moins pas tout de suite

Je ne répondais pas
La regardait
Elle, la crédule, la naïve
Prête à gober
Le premier mensonge venu
Pourvu qu’il soit tendre

Pendant qu’elle s’épanchait
Sur lui
Je pensais à l’enfant-témoin
Resté seul
Au milieu de la nuit.

mardi 24 août 2010

Avec ou sans pans


L’homme
Entre deux âges
Entre mur et buissons
Par les brèches des feuilles clairsemées
Des aucubas vieillissants
Laissait paraître sa
Virilité entre les larges pans
De son peignoir gris
Morne
Sale

Plus tard
Il se libéra de son reste de pudeur
Et de la chambre voisine qui surplombait la cour
Gravelée
On le vit
Se trémousser
Dans son plus simple
Appareil
Malgré la fraîcheur
Tombée du toit
Après ces dérives
Caniculaires.

mercredi 18 août 2010

Solitaire, tu resteras ?




Elle n’avait jamais remarqué que dans ses moments de désœuvrement, elle s’acharnait à jouer au solitaire.
Le solitaire lui faisait en quelque sorte compagnie.
Ces cartes isolées sous la magie du jeu ou les hasards chanceux s’unifiant, formant une grande boucle solidaire.

L’objectif était d’aboutir, de tourner le dos à la malchance, de maîtriser le destin des cartes.

Non, pourtant ce n’était pas l’ennui qui la motivait, elle avait ici et là tant de choses à faire sans nécessairement se donner des objectifs ambitieux.
Qu’était le solitaire sinon une forme de constat d’échec de sociabilité ? Alors inconsciemment, elle cherchait de puérils palliatifs.

Il a fallu si longtemps pour prendre connaissance de cela, pour se regarder de l’extérieur, de l’autre côté du miroir.
Ce miroir qui lui reflétait l’image floue d’une femme vieillissante, terne, enragée, prête à tout pour gagner, à recommencer cent fois la même partie pour trouver la solution !

Elle se rendit compte qu’elle aimait jouer, elle regarda de nouveau le miroir qui s’était entre-temps transformé : une femme élégante, maquillée assise à une table de poker en compagnie de trois beaux mâles avides et attentionnés.

C’était un signe des temps, elle apprendrait à jouer au poker, elle deviendrait une joueuse professionnelle, elle embellirait son banal quotidien, sortirait de sa vieille maison sombre pour briller dans les endroits huppés où on la saluerait respectueusement au passage.

D’un geste brusque, elle brouilla les cartes, les jetant sur le sol, prit son manteau et sortit !

La porte claqua et le miroir s’éteignit…

samedi 14 août 2010

Rester de bois - dans la série "angles"







Il m’avait écrit : « Je sais que tu penses que j’ai eu tort de m’exiler, pardonne-moi de ne pas t’avoir écouté, mais je n’ai trouvé nulle part l’endroit qui m’était destiné. Je suis malade, je voudrais que tu t’occupes un peu de lui, tu le trouveras dans le jardin du château de K. »


Quand son père était mort, plus rien ne l’attachait à ce petit village où il avait à la fois beaucoup souffert et beaucoup ri.
Son physique ingrat d’abord qui faisait qu’on ne le prenait jamais au sérieux et puis la métamorphose due paraît-il à un arrivage d’un train de sagesse dans son esprit fantaisiste.
Alors aux quolibets avait succédé une sorte d’envie voire de jalousie : pour quelle raison ce fils de manant avait-il trouvé une protection providentielle et quels avaient été ses véritables mérites pour qu’il devienne un enfant vif et séduisant ?

Sinon, rien d’autre que son aspect n’avait changé. Un peu plus de confort peut-être, conséquence de la curiosité populaire qui avait amené dans l’atelier du père une affluence subite de commandes. A croire que le village entier voulait changer de meubles, élargir son lit, raccourcir une table, décorer une chaise.

Le fils n’était pas assidu à l’école, il n’avait jamais eu de motivation pour étudier. Le père surchargé, accepta qu’il l’aide à l’atelier. Aider était un bien grand mot car le fils rêvait plus aux alouettes qu’il ne caressait le bois. Il voulait partir, dans le nord, disait-il, là où l’on trouve les plus belles essences de bois, là où la lumière scande bien le rythme des saisons, la claire et la sombre.

La protection providentielle qui s’était matérialisée sous les traits d’une femme vieillissante, ne put en rien l’influencer, il avait bien gardé sa tête de bois.

Son père mourut de chagrin et d’épuisement, rien n’avait donc changé si ce n’est que la pauvreté avait disparu.

Alors il ferma boutique, rassembla le joli pécule que son père avait amassé pour lui et partit à l’aventure.

Pendant des années, je n’eus pas de nouvelles de lui ; et puis, un jour, cette lettre qui arriva à mon adresse, il me connaissait bien, il savait à quel point j’étais attaché à ma maison, à ma famille et que je resterai collé dans ce petit coin de campagne.
Il avait couru partout, à la recherche de ses véritables origines, il avait vieilli précocement, il avait rencontré la femme de ses rêves, une belle jeune fille blonde qui vendait des allumettes et des crayons, il lui avait parlé de ses aventures en les embellissant un peu à son avantage, de ses projets en faisant appel à son sens de l’impro.

Elle s’était laissée séduire, avait cru aux belles paroles, aux projets fous et puis ils avaient eu un enfant. Cela finit aussi vite car elle mourut en couches effrayée par le petit être insolite à peine sorti de son ventre et qui semblait vouloir renoncer lui aussi à une vie pas encore ébauchée.

Alors pour la première fois depuis des années, il pria, oh, pas le ciel, ni un dieu, il se souvint de la fée, sa protectrice providentielle qui lui avait permis autrefois de rebrousser le cours de son destin. Et dans ce pays où les fées aussi se rident, la fée l’entendit et comme autrefois, l’accabla de remontrances tout en sachant que cela ne pouvait atteindre la fibre profonde de son cœur. « Ton fils vivra à condition qu’il reste constamment attaché à la terre »
Et le fils par je ne sais quel miracle de la magie devint partie intégrante de ce jardin dans le château de K, juste au bord de la mer.

J’ai retrouvé cet arbre au faciès humain et il m’a chuchoté son histoire. Il m’a parlé des mensonges qui avaient émaillé la vie de ses aïeuls, de ce morceau de bois venu on ne sait d’où transformé par un père en mal d’enfant, de cet enfant qui tenait tant à sa liberté au point de se maudire, de cet espoir avorté de changement, de l’abandon, de la fuite et d’un amour basé sur une confiance imméritée, de la mort de sa mère qu’il n’avait pas connue et de l’exil de son père dans un monde mental inaccessible.

Il m’a parlé aussi de sa précarité, de la remise en question constante de son existence au milieu de ce jardin, présence inopportune sur le sentier qui mène à la mer
De toutes les fois qu’on a apposé sur son tronc la marque blanche criminelle et de toutes les fois où elle a disparu
De ces bûcherons venus pour l’achever et qui au moment fatidique tombaient malades, de ces scies qui refusaient de répondre et de l’orage qui clamait soudain sa colère.

Alors d’un geste tendre, j’ai posé ma main sur ce tronc mal aimé et j’ai caressé longuement le fils de Pinocchio et de la petite fille aux allumettes.



Ce texte a d'abord été publié dans son entièreté dans "Des Millions de mots"

mercredi 11 août 2010

Dérobade


















Dis, cette petite ombre
au tableau trop noir
C’est quoi ?
Un visage retors ?
Un rictus estompable ?

Le souvenir trop vague
D’une face
en face à face
qui m’a troublée
Au point d’effacer son apparence
Du tréfonds de ma mémoire
Autrefois précieuse et ramifiée
Et maintenant
Désemparée, hésitante, bégayante
Planant dans un brouillard de syllabes
Bancales
Hétéroclites

Une baffe aux sentiments
Rétro ridicules trompeurs
Quelques instants pendus au plafond d’un café vieillot

Une balade de mots qui
S’effleurent de bras
Au rythme de pas
Provisoirement au pas

Un regard vacillant qui plonge
Pour découvrir l’antre
D’un rêve

Et puis, un moteur qui s’allume
Et passe
Et s’éteint dans la nuit
Tombée comme une assiette
Du haut d’un vaisselier

vendredi 6 août 2010

Les gardes-chiournes



Les gardes-chiournes avaient érigé des barrières et derrière eux n’avaient laissé que des cendres.
Pour empêcher la fuite de la renommée, la garder bien enchâssée entre les murs qu’ils s’étaient construits à la sueur perlante de leurs protégés et vice au versant.

Murs illusoires bercés par de vaines paroles souvent qu’ils s’envoyaient en clin d’œil sans en tester la validité ou la pertinence.

Moi, dans ce paysage quichottien, je ne me battais pas, mais ils existaient les moulins imaginaires, ils ne savaient cependant pas qu’ils l’étaient, et moulins qui brassent et imaginaires qui s’accordent de l’importance.
Ils se contentaient de rire et de badiner, de s’échanger des politesses, public trié sur les volets qui claquaient en creux . Un jour ils se perdraient dans leurs propres méandres oubliés, sauf d’eux-mêmes.

lundi 2 août 2010
























Des tombes jaillissaient dans les endroits les plus insolites.
Sur la pierre brute embrassée par les lichens, une plaque par je ne sais quel miracle d’équilibrisme attestait de soixante modestes années d’existence.
Seul écart à la sobriété des lieux : une couronne dégarnie
Et mon ombre fugace …


vendredi 30 juillet 2010

Quel parfum ?


Quel parfum mettras-tu ?
Quel manteau
Auras-tu un foulard ?
Comment te reconnaître ?
Seras-tu à l’heure
Et cette heure correspondra-t-elle
À mon horloge intérieure ?

Je t’attends
Tu n’arrives pas
Est-ce un mauvais présage
As-tu eu peur
Au dernier moment
M’abandonnant à mon « triste »sort ?
Et si tu ne venais pas
Serais-je fâché
Te parlerais-je encore
Je ne t’ai pas vraiment laissé le choix
Tu détestes, je le pressens, être mise devant le fait accompli
Je suis parti si vite
Avant que tu n’acquiesces
Du moins complètement



Des pas dans l’escalier
Des pas décidés avec une once cependant d’hésitation
Est-ce toi, enfin, imponctuelle
Telle que je t’ai imaginée
Ou différente
Attirante
Ou repoussante ?

C’est ton sourire
Qui te précède …
Tu t’avances vers moi
Conquise et conquérante
Je te salue et je te souris

mardi 27 juillet 2010

Au carrefour des pulsations







J’imaginais cet endroit
Que je n’avais jamais touché
Que je ne toucherais jamais
Au carrefour de tes pulsations
Là où ton cœur devait battre
Pour quelqu’un
Ou simplement pour toi
Par soif de vivre inéluctable.


Sur cet endroit invisible
J’aurais posé ma main
Longuement
Pour sentir ton énergie
Et te transmettre la mienne.

Alors
J’aurais parlé
Des phrases creuses
Ou passionnées
Ou je n’aurais pas parlé
Guettant dans le silence
Le tam-tam de ta poitrine

Bah, l’affaire est classée
Tu n’as pas de cœur
Ni d’existence réelle.

Alors je me contenterai d’allumer la radio
et d’écouter la musique des hommes.

samedi 24 juillet 2010

Je suis une paillette



« Je suis une paillette »dit-elle
avant de se faire cuire un œuf.

Je cherchais dans son aire ce qui avait provoqué cette révélation
la fascination d’une brisure d’écaille
l’apanage du feu
ou l’œuf qui frétille en se débattant dans la poêle.

Les contours glacés entouraient le soleil qui s’arrondissait.
D’un geste agile, elle émailla cette surface chaude de grains de beauté
qui crépitèrent en se dissolvant.

Alors j’aperçus au coin de son cil
l’ombre d’une étoile
qui clignait dans l’obscurité naissante.

mercredi 21 juillet 2010

Rose est la cire




En s’approchant de la cire rose
Des paillettes de lumière ponctuent les horizons cernés.

Dessous, la flamme continue de battre la mesure
Divulgue sa caresse émolliente et suicidaire
En consumant les ardeurs du temps

samedi 17 juillet 2010

Fin de tournage



J’avais l’impression de jouer dans un mauvais film, que la moindre variation de scénario ramènerait à la case départ, sans issue possible pour la belle idylle que j’avais envisagée avec l’acteur principal.


Non, ce n’était pas un jeune premier.
Il ne devait pas être à son bout d’essai.
Il maniait le rôle avec une dextérité stupéfiante.
Calembours, coups de théâtre, dérision, causticité, humour, imagination débridée …
C’était un plaisir renouvelé que de lui donner la réplique.

Il était avenant, attentif … il me donnait parfois des conseils d’écriture, peaufinait certains de mes dialogues, me secouait dans mes déclarations péremptoires.

Il s’absentait souvent, appelé vers d’autres missions de représentation.
Il avait de beaux rôles à jouer ailleurs, une célébrité à entretenir, des femmes adulantes à rencontrer, des intellectuels éclairés avec qui avoir des conversations utiles.

Et moi, je me sentais toute petite.
Cet univers filmique était quelque chose d’étranger pour moi.
Qu’il m’ait laissé entrer dans le sien, je n’en revenais pas. Ma lucidité habituellement clairvoyante à ce sujet semblait s’être endormie.

Quelques houles étaient venues perturber la douceur béante où nous avions baignés au début. Certaines piques, des propos acérés de part et d’autre avaient obscurci nos échanges. Mais je comptais sur la tendresse que j’avais ressentie très fort pour niveler tout ça.

Puis, après une plus longue absence, il revint, distant. Ses réponses étaient plus évasives, plus hésitantes. Il me dit enfin ce qui couvait depuis un certain temps : le rôle ne l’intéressait plus. Il ne parla alors plus que de divergences.

Je pensais qu’il avait trouvé un contrat ailleurs. J’en eus bientôt la confirmation en lisant un entrefilet dans la gazette. Sa partenaire était la partenaire rêvée : belle, jeune, cultivée, spirituelle, prête à déployer le tapis rouge flatteur à la moindre de ses répliques, goûts déclarés identiques, connivence apparemment parfaite !

Moi, je suis restée seule avec mon scénario inachevé.
J’ai bien essayé de lui concocter quelques variantes mais le moral n’y était pas, le moteur, non plus, parti pour une autre adresse.

Alors j’ai placardé sur la porte des coulisses :
Suspension à durée indéterminée pour cause de désistement …

vendredi 16 juillet 2010




A l’angle du ciel et de la terre
La route craquelée monte à perdre haleine.

Qu’y a-t-il derrière
Ces lignes éperdues ?

Un au-delà
Qui chavire ?

Ou rien
Qu’on ne puisse créer ?



Texte publié ici
http://lesmillemots.wordpress.com/2010/07/15/angle-ciel-terre/

lundi 12 juillet 2010

Les collines et la mer





La petite bergère regardait la mer, au loin, par delà les grandes étendues vertes, là où un jour, elle irait se baigner.

La petite bergère pensait, au sommet de sa colline, que la mer était proche, qu’il suffisait de suivre la pente abrupte et continuer vers l’est, toujours vers l’est, escalader une autre colline et continuer dans la direction du sable dont elle imaginait déjà, la nacre jaune, caresse rugueuse sur sa peau durcie par les vents du nord.

Elle ne savait pas qu’elle aurait pu marcher des jours et des jours pour rejoindre la mer au travers des collines qui se multipliaient chaque fois qu’elle atteignait un sommet.
D’autres l’avaient fait avant elle et s’y étaient perdus, avaient dû renoncer, épuisés d’avoir usé leurs bottes sur ces cailloux glissants.

Elle ne savait pas, la pauvrette, elle qui avait à peine eu le temps d’apprendre à lire et à parler aux humains, que ces collines étaient interchangeables et formaient autour de leurs victimes innocentes une ronde infernale se reconstituant au fil des escalades et attisant la fièvre des montagnes et l’envie de l’eau bleue.

Irait-elle un jour rejoindre la cohorte des ombres qui aspiraient à la lumière embrumée de l’océan ?
Abandonnant ses moutons aux chiens de berger …

jeudi 8 juillet 2010




J’aime tes mots.

Ils me caressent, ils me soufflètent, ils m’enchantent, ils m’importunent, ils me déstabilisent, ils m’enivrent

Je les aime tous, quelle que soit leur couleur ou leur intensité, ils m’arrivent par brassées ou par petits paquets, ils déferlent dans les couloirs de ma solitude, ils résonnent dans mon inconscient, ils éclaboussent mes convictions profondes, ils interrogent mes connaissances, ils m’enveloppent de leur tendresse discrète, ils détectent un sourire au coin de mes lèvres ou provoquent de grands éclats de rire.

Ils m’enlacent, ils me délassent et jamais ne me lassent !

Toi dont je ne connais pas le visage mais dont les mots me connaissent si bien !

dimanche 4 juillet 2010

Dissection




Je regardais Hélène
Elle disséquait ses voisines
Avec sa faux extensible
Qui drainait un chapelet de mots mauvais.

L’autre femme, ma mère
Se taisait
soumise.

Je ne l’aimais pas, Hélène
Prototype de la médisance
Grande prêtresse de la calomnie
Enrubannée de paillette acides.

N’aimais pas sa fille non plus
Erigée en vestale sur un piédestal énorme



Et moi, si petite, si secrète
J’aurais voulu scier les colonnes du temple
Et faire vaciller
Toutes les statues d’argile

jeudi 1 juillet 2010

Dans la pierre

















Tu resteras toujours
mon enfant
drapé de pierre

Sourire énigmatique

lundi 28 juin 2010

Suies



Dans ton couloir mutilé
L’ombre a pallié la lumière
Laissant sur les murs autrefois blancs
Des suies éparses
En toi suppure encore la plaie de la gifle fatale
S’insinue perfide dans tes tripes meurtries
Tourne et retourne
Dans un demain passé.

jeudi 24 juin 2010

Une famille



Ils s’étaient assis face à face
Famille vraie
Famille reconstituée
Lire sur les visages les traits qui rassemblent

Ils avaient décidé de faire chacun leur voyage en solitaire
Avec la technique à leur service
Deux adultes
Deux enfants
Les enfants, console de jeux pour compagne
La grande fille était rentrée tout de suite dans son univers
calfeutré.

Le gamin avait envie de parler avec son père
ou à l’homme qui en faisait office.

Mais l’homme avait pris son livre de jeux et
repoussé d’avance la demande non encore formulée.
Alors le petit s’était collé à la vitre du train
laissant défiler rien que pour lui le paysage blanchi
le jeu mal aimé tremblait dans la main déçue et incertaine.

La mère avait fermé ses branchies en les occultant avec des écouteurs
fermait aussi les yeux
semblait chantonner en silence …

Une famille quoi, avec tout ce que cela a d’unifiant et stimulant !

Moi sur la banquette attenante, j’assistais à ce théâtre de vie
entre deux pages d’un livre qui ne me passionnait guère.
Je ne sais pourquoi je pensais à cet homme que j’avais appelé
mon ami et qui m’avait signifié mon
congé, juste à la veille des examens.

Ma situation n’avait rien d’enviable à la leur
ma solitude apparente se frottait à leur solitude feutrée.

Le gamin s’ennuyait, me jetant des regards à la limite du sourire.
Je sentais cet appel – instinct maternel en déshybernation.
J’aurais aimé lui raconter quelque histoire
écouter les anecdotes qui devaient habiter son esprit
et qu’il aurait voulu partager.
L’espace à la fois exigu et large ne s’y prêtait guère.
Pourtant les deux mètres qui nous séparaient
chacun de notre côté
accroché à nos vitres respectives n’étaient rien
comparativement aux kilomètres qui le séparaient de ses parents.

Je lui ai souri.
Il n’attendait que ça pour
me répondre en silence.

Alors, la mère se rendit compte, qu’il se passait quelque chose
Elle enleva ses écouteurs et se tourna vers moi.
Elle voulait un conseil sur le but du voyage,
le marché de Noël à Liège,
à quelle gare fallait-il descendre ?
Je rassemblais dans ma tête mes connaissances très rudimentaires
sur les us et coutumes de la ville
qui n’était pas mienne
en m’excusant de mes imprécisions.
Une glace était rompue.
Chacun sortait de son îlot précaire.
Des mots se libéraient, avides d’espace.
Le gamin, heureux,
d’un geste taquin,
secoua le bras de sa grande sœur.

Enfin, il se passait quelque chose dans un monde
qui contenait désormais plus qu’un singleton …

mardi 15 juin 2010

Le temps d’un renne




Quand le renne est passé
la première fois
tu n’étais pas encore mon roi
ni moi ta reine
Et puis le roi m’a répudiée
me laissant seule avec les
rennes qui n’avaient nul
besoin de moi …

samedi 12 juin 2010

Ta chevelure est tombée sur la lande





Un matin de printemps
La neige venait juste de dévoiler la terre
Le vent encore imbu de violence
d’un coup sec a
ôté ta parure
Elle s’est assortie, accrochée aux brins naissants
Et t’a laissée nue et désemparée
Face à la mer !

mercredi 9 juin 2010

Au pied



Je n’oublierai jamais ce chien magnifique. C’était un matin de juillet, dans la petite ville « au pied » de Nordkapp.
Je m’étais arrêtée devant un supermarché. Il était là, couché devant la porte d’entrée, gardien malgré lui, interdit de séjour …
Il réfléchissait à sa vie de chien et il broncha à peine quand je m’approchai de lui.
Nous aurions pu rester là à nous regarder pendant des heures - coexistence pacifique - à nous raconter nos histoires respectives, dans un silence qui en disait long.

Alors, j’ai voulu l’immortaliser pour que vous aussi ayez l’insigne honneur de l’avoir connu. Résigné il baissa la tête en feignant de s’assoupir.

Mais je savais que sous son œil mi-clos, son cœur bouillonnait de courir dans les grands espaces, de profiter de ces quelques semaines de lumière inépuisable pour recharger ses batteries avant l’interminable nuit nordique.

vendredi 4 juin 2010

Dans son ventre



Elle me dit :
Ce qui se passe en moi
Là dans mon ventre
Je le vis depuis des années
Je devrais me convaincre que
C’était la norme
La mienne
Je portais ce fardeau responsable depuis si longtemps

Ce mal-être
Était partie intime
De mon ressenti quotidien

Et un jour, une embellie
A allégé le poids
J’ai ressenti pour la première fois
La légèreté du corps
Sensation revitalisante
Qui est partie vite, sans raison
Comme elle était venue, comme une
Plume atterrie à la surface
D’une rivière
Et engloutie par un souffle banal du vent

Mais je sais qu’il peut exister
Cet univers sans plomb.

Ce plomb à nouveau me perce l’abdomen
Me triture les tripes
Et me donne envie de hurler.

lundi 31 mai 2010

Scène de café (fin)




Les clients l’écoutent, sourient ou sont gênés, équivoque des sentiments face à une femme qui s’affirme !

Il lui montre son livre. Sans même cligner des yeux, j’arrive à déchiffrer le nom de l’auteur et le titre, avec ma vue supérieure à 10 et qui faisait toujours l’étonnement des collègues de classe.
Dans ma tête, je les imprime, histoire de vérifier sur internet. Peut-être que c’est quelqu’un de connu par la gent livresque et que je ne connais pas par ignorance.
Oui, la photo, c’est bien lui, un peu plus mince, un peu plus sérieux … Décidément, elle ne s’attable pas avec n’importe qui !
Je pense qu’elle rêve d’être éditée ; elle a déjà tenté de séduire plusieurs maisons d’éditions, mais ils n'étaient pas preneurs. Elle ne comprend pas, n’admet pas, tous ses amis sont fous de ce qu’elle écrit.
Mais ses amis, hélas pour elle, ne sont pas pas des lecteurs moyens, la cible privilégiée des éditeurs. Il faudrait moins de causticité et plus de sentiments positifs ! Enfin, j’extrapole à travers les remarques qu’elle place haut et avec une certaine amertume.

Lui, je ne l’entends pas, il susurre, essaie de la calmer en prenant un petit air tristounet.
Ils enfilent café sur café, lui semble habitué, elle, un peu moins.
Je lui prédis une nuit d’insomnie et de beaux cernes grisés au petit matin. Elle n’ést pas si jeune, il faut qu’elle se batte maintenant et pour la célébrité et pour l’homme sur qui manifestement elle a des vues rapprochées.


Elle lui tapote la main, lui prend les doigts qu’il retire délicatement en faisant semblant de devoir se gratter ou de vouloir lui montrer un détail de son livre.

Malgré leur proximité, je sens comme un voile de distance entre eux. Peut-être suis-je simplement jalouse de cette apparente connivence.

J’avais, autrefois, connu des sentiments similaires l’espace d’une soirée, des sentiments qui semblaient partagés, alors j’avais joué la spontanéité et m’étais fait casser la figure quelques semaines après.

Cet homme à quelques pas de moi me rappelle cet autre. Quelque chose dans l’allure, dans le port de tête, dans la façon de sourire. Dans les traits, je ne sais pas, j’ai tout oublié des lignes de son visage, c’est étonnant moi qui me croyais physionomiste. Mais il existe des gens qui traînent derrière eux un brouillard vaporeux qui estompe les grandes lignes pour ne garder que le timbre de la voix ou l’éclat d’un sourire.

Bon, je vais arrêter de vivre par procuration, je paie mon chocolat chaud que j’ai bu froid à force de zieuter alentour, je me lève. Je passe près d’eux, elle me lance un regard inquisiteur à la limite de l’hostilité…lui me fixe dans les yeux d’un air interrogateur.

Je me dis, sceptique et blasée, que leur histoire finira comme la mienne …en eau de boudin.

dimanche 30 mai 2010

Scène de café (1)



Je l’imagine avec sa grande gueule et ses airs de noblesse usant malhonnêtement de la particule dorée.

Elle se tient comme un homme, un peu décentrée, la cigarette au bec, les yeux de biche fraîchement redessinés.
La fumée voile ses dents jaunes, la nicotine a la dent dure et en admiratrice de Sand et de Balzac, elle la pratique avec le café.
Dame, il faut bien s’inspirer des grands.

Elle note au gré des lectures tout ce qu’elle n’a pas lu, qu’elle doit absolument avoir lu pour être le page à la page. Prend des notes qu’elle ressortira, fumantes, quand l’occasion se présentera de les intégrer au discours ambiant.

Elle me regarde méchamment. Elle pense que j’attends quelqu’un, le même qu’elle, quelqu’un qui lui appartient et qu’elle défendra bec et ongles contre les furies rôdant autour. Toute femme pour elle est une usurpatrice potentielle.

Mais on ne peut s’aliéner la moitié de la population du globe. Alors faire contre mauvaise fortune, bon cœur, même s’il faut y rajouter quelques gouttes d'huile essentielle d’hypocrisie habilement ajustées.
Se faire des alliées, pas trop brillantes pour qu’elle puisse garder le dessus, dociles pour qu’elles l’enrobent de leur miel et sabrer immédiatement dans ce qui est déplaisant, l’écarter, le mettre en quarantaine avec autorité et condescendance

Il est arrivé, un sourire au bras, un livre dans l’autre, l’a reconnue tout de suite, il sait d’expérience qu’elle s’installe là où la lumière la met en valeur, l’a embrassée furtivement en regardant autour. Il est marié et tient à sa tranquillité conjugale.
Il tourne nerveusement son alliance, tic qui le démange quand il se prend en défaut.
Il m’a jeté un coup d’œil rapide, en faisant semblant de ne pas s’attarder mais je l’ai senti : il désapprouvait mon regard, je dois lui rappeler quelqu’un à qui un jour il a distillé ses boniments.
Puis ils ont parlé, elle, à voix haute, lui à voix basse. Elle rit aux éclats, ce doit être un comique …à moins qu’elle se moque de lui, elle qui adore donner des coups de griffe et choquer.
J’entends son langage, à elle, pas très stylé, des gros mots, des onomatopées tonitruantes.
Sans doute garde-t-elle ses talents d’oratrice pour l’écriture.

vendredi 28 mai 2010

Sérieux s'abstenir


Je veux pas qu’on prenne au sérieux
Même quand je dis des choses graves, des choses tristes
Faut pas me croire

Je rêve en noir quand j’ai épuisé le rose
Et quand j’ai l’air solaire
Faut pas penser que ça va durer
Je suis une girouette et les vents des mots me tournent en bourrique


Je vous vois ici, si sérieux
Avec vos mots bien propres, bien alignés, acérés
Vos flèches perfides
Ou vos caresses ramollissantes
Vos raisonnements intello dont je ne comprends goutte
Parce que c’est trop fatigant de se creuser les méninges
Ça laisse des trous dans la tête
Et je suis déjà pleine de courants d’air

Aujourd’hui, je m’la fais amoureuse
Mais de qui, j’en sais rien
Je vais vous bichonner des petits mots bien gratinés
Vous verrez ça va vous épater
Je sais que sous vos fronts soucieux ridés pour l’occasion
Vous avez besoin de vous distraire
De vous dérider, relaxer
D’enlever vos pompes pour respirer
De desserrer vos cols
De desserrer les dents
Et d’aérer votre bouche dans un éclat de rire .

Faut pas se prendre au sérieux, je vous le dis
Ne partez pas
Vous n’aimez pas mon style
Mais comment pouvez-vous dire ça
Puisqu’il est flexible
Mouvant délirant dépliant
C’est selon…
Je ne veux pas qu’on me prenne au sérieux …

mardi 25 mai 2010

La chambre en solitaire



J’attends dans la solitude calfeutrée de ma chambre
Ta venue
Ou ta non-venue
Ton humeur
Câline
Ou ombrageuse
Ta voix douce
Ou tes éclats foudroyants

A entendre tes pas
Dans l’escalier
Tes pas vifs
Pressés
Impatients
Je ne sais
Quelle sera la température
De tes humeurs
Fluctuantes
Contradictoires
Déroutantes



Un frisson tendre de printemps
Une averse chaude d’été
Une giboulée d’automne
Ou le silence glacial enneigé de l’hiver

Ici dans l’univers du cœur
Les saisons défilent
A l’encontre de toute rationalité

Sans espoir
Sans fin
Je me perds dans le puits
Sans fond
Des interrogations.

vendredi 21 mai 2010

Affadissement


Un jour quand je vous aurai oublié, quand à mon tour, je me serai diluée dans l’espace, vous viendrez me trouver.

Je ne vous reconnaîtrai pas, ou alors, à peine.
Emmêlée dans les tours que j’ai concoctés pour tâcher de vous effacer, cent fois sur le métier remettant mon ouvrage.
J’essaierai peut-être, du fond de mes tiroirs cérébraux poussiéreux de rechercher ces bribes de mots archivés depuis longtemps qui m’avaient envoûtée.

Dernier sursaut-nostalgie avant réinitialisation. Le fil trop tendu trop longtemps sera rompu à jamais.
Alors, je vous dirai simplement bonjour, passez votre chemin, ces joutes d’abandon-séduction ne sont plus de mon âge.

Oui, je sais, un reste d’illusions : cela ne se peut pas, vous m’avez effacée depuis longtemps déjà.

mercredi 19 mai 2010

Miroitement




Dans la vitre trouble
Une fissure nette reflète les variations du soleil
Et raconte l’humeur changeante des nuages

Brillance et ternitude se succèdent
Derrière le voile grisé.

mardi 18 mai 2010

Gare




Dans cette gare aux piliers arrogants comme des colonnes d’église, je me confondais avec la grisaille.
Je regardais passer les trains dans leur fulgurance.

Parfois, j’imaginais t’apercevoir à la fenêtre, en grande conversation avec de gentes dames.

C’est drôle, à l’époque où l’on se fréquentait, jamais, tu ne m'avais donné l’impression d’être un séducteur.
Un baratineur, certes, enjoué. Tu me faisais tellement rire.

Une fois, une seule, on a pris le train ensemble, c’était un soir d’automne et il faisait beau dans cet entre jour et nuit.

Oh un trajet très court, une heure voire une heure et demie, encore écourté par la sensation de légèreté et de bonheur qui avait imprégné ce moment rare. Je n’avais rien vu du paysage, que le gris de tes yeux, rien entendu de la ville que le timbre coloré de ta voix.

Tu m’envoyais chaque jour des petits mots griffonnés à la hâte sur des papiers chiffonnés. Je les ai tous gardés, dans une boîte à chaussures. Il paraît que les boîtes à chaussures gardent bien emmitouflées les pensées terre à terre. J’ai parfois soulevé le couvercle mais les mots avaient cessé de me parler, perdu leur force évocatrice : ce n’étaient plus que des hiéroglyphes, incongrus, anachroniques.

Depuis ce jour où tu claquas violemment la porte comme on fait tomber le couperet
d’une guillotine avec non-option de remonter le temps. Il paraît qu’avant de passer au geste fatal, tu m’avais tout expliqué en long et en large les raisons de ton brusque revirement « ça vaut mieux … » « trop de différences » …
C’étaient des mots de lassitude, de jeter après usage, si courants dans une société de vite tout à l’égout. Je n’avais rien compris.
Tout comme au début, je n’avais pas compris cet engouement réciproque pour nos conversations hors du temps.

Dans cette gare où je reste en stand-bye, oh, pas après toi – je ne manque pas de lucidité à ce point -, les têtes coupées avec véhémence ne se recollent pas.

dimanche 16 mai 2010

La tasse bleue

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Ta robe bleu de ciel dégagé t’allait à ravir, ton filet d’or exhalait des senteurs citronnées.
Tu restais là sans bouger, amorphe devant la volonté abdiquée de l’homme en face de toi.
Tes pouvoirs ne te permettaient pas encore de pouvoir capter indéfiniment la chaleur, et même si elle pénétrait tes entrailles, ce n’était jamais qu’un interlude, un fluide transparent qui allait et venait.

Près de toi, une plume d’argent bleu gisait, desséchée de l’intérieur sous le feu ardent de la lumière écrasante de près des citronniers.

Je n’osais pas t’approcher. L’homme me jeta un regard hostile et te repoussa d’un geste impatient.
Je n’eus que le réflexe de tendre la main pour t’accrocher à mi-hauteur et te sauver d’une chute vertigineuse qui aurait signifié ta perte.

L’homme s’était levé en hâte et avait disparu vers les citronniers.

Dans ma main humide inondée de nectar citron, je tenais tes vestiges : ton cœur vide et ton manche désormais disloqué.


Un petit jeu d'écriture proposé par blog à mille mains

A l’encordage !






Moi avec mes principes d’égalité, j’ai négocié que nous obtenions chacun une corde pour nous pendre ; mais quand ils nous les ont montrées, j’ai compris que même dans la mort, il n’y avait pas d’égalité.

A toi, mon maître, une belle corde verte tressée dans une matière noble, arrogante et fière.
A moi, un vulgaire ruban de caoutchouc aux allures de matériau de récupération.

Et toi, égal à toi même, tu ne m’as même pas proposé d’échanger.

Bah, je préfère fermer les yeux !
Un peu plus tôt, un peu plus tard !
Je présume déjà du sort qui m’attend sur l’autre rive !

Transfuge

Essayer de trouver un endroit plus convivial, plus accueillant, c'est mon objectif en ouvrant ce blog ici.
J'ai eu tellement de déboires avec Skynet, perdu tant d'énergie à justifier l'injustifiable qui est la création de barrières d'accès aux autres blogueurs.
Une nouvelle tentative sous le signe du climat capricieux !
Bienvenue !