samedi 12 décembre 2015

Sous les arcades





En attendant la fin de l’école, il était resté avec moi tout l’après-midi

Il s’était plaint de douleurs au ventre et j’avais hésité de l’envoyer au cours.

Il avait passé la journée à jouer avec sa petite auto orange, le seul jouet que je pouvais lui payer.

Comme le conseillait le médecin, je lui avais donné du coca et cela semblait l’avoir remis sur pied.

Il avait couru sous les galeries et j’avais enfin pu trouver du temps pour moi

C’est vrai que j’avais vendu très vite les quelques pommes cueillies au verger, ce qui me permettrait d’acheter quelques œufs pour le repas du soir. Les enfants plus que les adultes ont besoin de leur dose quotidienne de protéines pour grandir

Dans ma solitude obligée, je m’étais procuré un journal chez le marchand d’Inkacola et autres boissons sucrées.

On usait régulièrement du troc entre nous et cela nous convenait assez.

Je me suis assise sous les arcades après avoir donné à manger à mon fils cadet.

Et j’ai lu comme je ne l’avais plus fait depuis longtemps, le journal parlait de la Bolivie, le pays où vivait le père de mes enfants, là où il essayait de faire fortune dans une mine d’argent.

Cela faisait des années qu’on ne s’était plus vus, je lui envoyais des photos des enfants pour lui montrer combien ils avaient grandi, il ne m’écrivait pas, il devait faire appel à quelque écrivain public, alors, les lettres se faisaient attendre.

En lisant dans le journal que son pays était en pourparler pour récupérer son accès à la mer volé par une méchante guerre avec le Chili, je me disais qu’il y aurait alors de nouvelles possibilités d’emploi moins aléatoires que la recherche de métaux précieux.



samedi 5 décembre 2015

Après la guerre - Nicole Giroud




Nicole Giroud l’affirme dans sa préface : « Les faits bruts de la guerre ne m’intéressent pas »
Ils ont été décrits tellement de fois dans l’histoire. Ce qui l’intéresse ce sont les hommes et femmes  d’après avec leurs stigmates de guerre, leurs souvenirs, leurs obsessions, toutes les tranchées de sentiments que la guerre a creusées au plus profond de leur âme.

Les personnages qu’elle a ressuscités prennent vie sous nos yeux à travers l’histoire que nous raconte l’auteure , une histoire basée sur une vraie recherche documentaire et sur des témoignages réels et émouvants.

L’empathie qu’elle manifeste envers la plupart de ses personnages est communicative.

Passages entre des vies aujourd’hui disparues, résurgence du climat de l’époque et approche personnelle d’un futur empreint de souffrance mais aussi d’espoir.


On s’émeut des manques indescriptibles qui ne permettent pas de faire son deuil de l’être disparu. On recherche des traces, on cultive l’espoir, on voudrait savoir comment. Le silence des non-dits est parfois aussi une trahison.

Il y a la compassion de ceux qui ont approché l’histoire de loin et qui souhaitent racheter ce que leurs congénères ont, par leur jugement définitif, rejetés définitivement.
Il y a des ennemis qui ont une âme parce qu’ils n’ont choisi la guerre que par obligation,
Il y a le mal qu’on a fait et qu’on ne parvient pas à oublier.
Le poids du passé sur l’avenir des enfants qui déterminera leur façon de non-vivre
Un geste qu’on n’a pas eu parce qu’il existait des ordres et ses conséquences qui vous poursuivent toujours..

Toutes ces nouvelles sont belles, on garde en les lisant un petit goût amer dans la bouche, parce qu’il aurait suffi d’une poussière pour qu’elles transforment toute une vie.

L’auteure  à chaque fois ouvre pour nous une page oubliée du passé, lui donne consistance et malgré nous nous rend acteur ou complice de ces événements fomentés par les suites de la guerre.