samedi 28 décembre 2013

Lennon and Woman

Photo Annie Leibowits -12-1980




Annie Leibowitz était chez John Lennon ce 8 décembre 1980,  quelques heures avant qu’il ne soit sauvagement assassiné dans la rue pour une raison restée incompréhensible.

Cet après-midi, seule dans ma chambre à trier de vieux papiers, - les papiers deviennent vieux dès qu’ils quittent le domaine de la connaissance immédiate-  j’ai eu envie d’écouter en boucle ce que je considère avec Imagine comme la plus belle chanson de Lennon : Woman.

J’ai toujours une profonde émotion en écoutant cette chanson, merveilleuse déclaration d’amour au-delà de tous les obstacles qui ont émaillé dans la vie de ce couple remuant et provocateur.
Annie Leibowitz fit de ce cliché un testament avant l’heure, rabota les griefs qui parfois traversèrent la vie du couple, dénuda contrairement aux standards d’esthétisme l’homme au lieu de la femme qui se contente juste d’être et faire passer ce besoin de s’accrocher à celle qui partageait les derniers moments de sa vie.

Pour Annie, pas de glamour cette fois-ci, l’expression d’une manière d’être vrai avec l’autre. Quand Lennon vit la version polaroid de ce cliché, il déclara  “You’ve captured our relationship exactly.” Etait-ce un reproche ou l’aveu de sa propre vulnérabilité face à la femme, la sienne et la photographe qui a su si bien le capter jusqu’au dénudement ?
Il ne vit jamais la photo publiée, ce fut sa dernière étreinte avec Yoko …

Toute femme à qui on dédierait Woman et cette dernière photo qui dit tant aurait aimé être l’objet d’une telle dévotion.

Dans l’art, que ce soit une chanson, un texte, une peinture, une sculpture …l’expression d’une dévotion même éphémère laissent des traces indéfectibles. Et si ces traces viennent à être détruites, la mémoire de l’objet de dévotion continue de se souvenir au-delà des manifestations physiques…

Peut-être que la dévotion reste toujours du domaine du virtuel, peut-être n’est-ce qu’un ressenti perçu au moment de la connivence…Pour que cette connivence et cette dévotion qui en découle perdurent au-delà de la magie initiale, faut-il être jeune, séduisant, sensible (ce dernier point est parfois une pierre d’acchoppement quand l’autre avec le temps qui effiloche la relation oublie que l’un existe et nie sa capacité d’aimer )?

Je dédie cette chanson à toutes les femmes qui ont perdu un être cher qu’il soit disparu ou qu’il ait fui. Aux hommes dans la même situation aussi, d’ailleurs. 
Pour que l’amertume ne falsifie pas les beautés passées et n’embrume les instants inoubliables, pour garder cette faculté de s’émouvoir malgré la distance creusée et les aléas de la vie.



 

dimanche 22 décembre 2013

Aux pieds les châtaignes





Les premières châtaignes sont tombées
Ecorchant mes pieds nus
Dans l’herbe moite de rosée
Les chatons virevoltant
Portés par le vent
Ont escaladé les toits
Puis se sont entassés dans les gouttières repues

Bouleaux rebelles
Malgré les protestations véhémentes
Des enfants
Le grand faucheur a été convoqué
Votre dernière saison
Se pointe à l’horizon...

mardi 17 décembre 2013

Je l'ai toujours su




Je l’ai toujours su ; c’est pour toi et toi seul que j’écrivais.
Même avant la rencontre, tu vivais calfeutré en moi sans que j’en sache rien.
Il a fallu juste une fulgurance pour que mes yeux s’attardent et te découvrent dans ta lumineuse beauté, dans le creux de ton âme où j’aurais pu m’abriter, dans les replis de tes mots où les miens auraient aimé se blottir.
Je l’ai su tout de suite, j’avais pour seul bagage,  les souvenirs de vies antérieures où tu étais âme-sœur, mes pas sur tes pas unifiés, mes traces sur tes traces uniformes, mes pleurs pour panser tes blessures, mes sourires pour obscur-claircir ta pénombre…
Ta joie pour transformer ma peine, ton rire pour relever mes lèvres, tes yeux pour noyer mon regard au diapason du tien, ta musique pour faire vibrer mes cordes
Ta sincérité en miroir à la mienne
Et puis la fin du monde avant le cœur froid de l’hiver, ton silence irraisonné, les fantômes de tes nuits pour obséder mes jours, ta presque palpable évanescence, tes mots devenus sans que rien ne soit dit, clairsemés, absents, inexistants…
Mes gestes maladroits, paroles inexprimées, mon regard éperdu,  fanaux éteints jusqu’au bout  de la nuit et ce mur sans résonance qui avale tes pas …
Dans le monde qui t’a vu disparaître, le vide comble le silence devenu langage ultime, sublimé… là où je n’ai même pas pu te dire adieu …


lundi 9 décembre 2013

Coupe pleine et verres vides




Voilà ce qui restait d’eux, d’une relation à l’époque brûlante
La table rase ne portait plus que des verres vides à l’écume mourante
Et tout autour, la vie continuait, les gens continuaient de vivre, de rire, de boire
Les jours continuaient de naître et de mourir sans vraiment délimiter leurs frontières
Et même si la fête sentait une fin imminente, les gens continuaient de s’agglutiner dans la nuit autour des tables, de manger un morceau, de lever les coudes de se parler ou de se taire, baignés par la musique qui avait vaincu la pluie annoncée
Les verres étaient là lestés de leurs ombres, dressés sur la table nue, séparés par des années-silence, mais toujours debout, abandonnés à leur triste sort comme ceux qui avaient posé leurs lèvres sur leur bord, bu leur nectar jusqu’à la lie, attendu que la mousse vivifiante vienne couronner leur bouche d’une légère neige. Ils n’avaient même pas ri à peine parlé, ils n’avaient pas dit l’adieu de circonstance.
Demain ils seraient débarrassés de leur histoire, demain ils prononceront les mêmes mots, de mêmes promesses berceront leurs illusions, demain leurs interlocuteurs seront simplement différents. Demain ils seront libres de leurs souvenirs, du moins, ils le croiront ...
Parfois l’écho viendra titiller leur mémoire soudain anesthésiée, ils ne pourront pas dénier leur tendresse passée, ils le feront pourtant, l’oubli sera le prix de leur nouveau bonheur reconstitué ... 

mercredi 4 décembre 2013

Dilution éclairée



















Depuis qu’il s’était dilué dans l’ombre
La ville avait perdu tout éclat
Ne subsistaient que quelques pans de lumière
Sortis d’une mare noire

Et les traces des pas

Sans résonnance aucune …