Quand j’ai
sonné à la porte, Flore, la colocataire de ma fille m’a fait la bise en me
souhaitant "Joyeux Noël" ; je lui lançais un regard interrogateur, elle me
répondit : " Dans la famille, on fêtait Noël quand tout le monde était
disponible, c’est parfois arrivé au mois de mai !"
Oui, ici
c’était février, mais en décembre il faisait doux et maintenant l’hiver venait
juste de montrer ses crocs. Moins 10° sur la route, de la neige dans le jardin, vraiment d’hiver.
Ma fille
qui était partie Outre-Atlantique pour la fin de l’année avait tenu à
maintenir la tradition du repas de fêtes, peu importe la date !
Alors on
s’était tous concertés pour la date et le menu, la répartition des courses et
des rôles.
Dix autour
de la belle table ovale libérée pour nous par tous les colocataires disparus on
ne sait où !
Ce fut une
belle fête au milieu des rires et des souvenirs. Mon cœur de mère tout
réchauffé de voir la belle entente tissée entre mes filles et une certaine
complicité avec moi venue de très loin et très présente.
Nous avons dormi là-bas dans des lits d’appoint qui valaient bien le confort moral
d’un palais.
Au matin,
Raoul, le guitariste espagnol dans son
pyjama d’enfant vert aux motifs dysneliens me proposa un café qui prit des
allures de grand cru.
Après un déjeuner
brunch qui nous rassembla de nouveau autour de la table ovale, on débarrassa
les derniers indices de la fête, rassembla les bagages et on repartit vers le
grand froid du Nord qui n’avait rien à envier à celui de la capitale.
Ma fille et
sa colocataire étaient pour ce dimanche de corvée nettoyage complet, mais avec
le sourire, dans le respect mutuel que nécessite la vie en colocation.
Je pensais
à ma jeunesse, aux longues soirées d’étudiants, à la musique et je souriais en
revivant à travers ma fille quelques parcelles de petits bonheurs...
Pour ne plus te voir ou mieux voir ou percevoir
autrement, j’ai décidé d’ôter mes lunettes.
Le monde m’apparaît dans un flouté doré dont
j’ignore les contours précis.
C’est une nouvelle approche des choses, non
plus parfaite dans l’asepsie médicale où l’on veut nous faire baigner pour
toutes sortes de raisons mercantiles ou de confort.
Bien sûr par civisme et respect de vie d’autrui
– on garde toujours quelques radicelles de morale élémentaire – je ne
m’aventure pas à prendre le volant ailleurs qu’au sortir et entrée du garage.
La nouvelle vision des choses élève
inévitablement des barrières.
Alors comme les personnages m’apparaissent dans
leur globalité qui estompe les détails et les traits, mélange les couleurs dans
un fondu-enchaîné, je vais perdre l’habitude de scruter les visages, d’imaginer
que le hasard pourrait te mettre sur ma route.
D’ailleurs, en ce qui te concerne, le hasard
n’existe pas ; seule ta volonté implacable oriente tes choix et
exclusions.
Alors si tu venais à me croiser, nul besoin de
détourner les yeux ou changer d’itinéraire.
Tu serais pour moi, un personnage dans sa
globalité, sans détails ni traits …
Je profite
de cette journée pour illustrer un angle plus discret avec une chanson de la speedante
Lynda Lemay (je cherchais depuis longtemps un prétexte pour la présenter !)
« Un
peu » à contre-courant mais en ce
jour où l’armée des femmes descend dans la rue, pensons aux réformées de
tous genres.
Par
contradiction, les pavés lancés dans la mare pourraient-ils protéger des éclaboussures ?