jeudi 27 février 2014

Fond de grenier























Viendrais-je à bout de cette montagne de « détritus » qui constituent le fond de mon grenier ?
Un jour, ces choses eurent une utilité. Les gens qui ont traversé ma vie aussi.
Je n’ai jamais aimé jeter, ni les choses, ni les gens. Pour les gens, ils s’en sont chargé eux-mêmes.
Quant aux choses, leur amorphisme me permettait de les oublier dans un coin poussiéreux et le trop d’espace faisait le reste.
L’heure des bilans serait-elle arrivée ?
J’ai cru qu’il était plus facile de commencer par les choses que par les gens (au demeurant moins nombreux que les choses).
Je me suis fourvoyée.
Voilà des semaines que j’investis le grenier à la recherche de la clarté poussée par l’aspiration au vide, du moins à l’espace.
Ces heures se transforment en jours qui se transforment en mois en années. Les pensées savent si bien extensibiliser les objets les plus insignifiants, les mots jetés à la hâte sur un bout de papier froissé par le temps.
Elles savent aussi recréer des ponts enfouis entre les objets et les êtres.
Cela exige du cerveau ou de l’esprit, selon que l’on croit à la prédominance de l’un sur l’autre, une dépense d’énergie considérable.
Chaque choix que ce soit le rejet ou la maintenance est un choix presque shaskespearien : to keep or not to keep, that’s the problem.
Et je suis seule à pouvoir le résoudre, et je porte le poids énorme de la responsabilité d’effacer des traces à jamais de la mémoire.
Même dans leur actuelle insignifiance, ces choses ont eu un jour leur heure de gloire, ne pas les brusquer en leur refusant cette grandeur passée, ne pas les bousculer avant leur future mise au rancart déjà amorcée par l’exil au grenier.
Tant que cet espace dédié à la convivialité des choses du passé leur servait de refuge, elles pouvaient toujours espérer qu’un cerveau nostalgique ou une délicate âme d’enfant viendraient les réhabiliter.
Mais et j’ai honte de leur faire perdre leurs illusions de choses, il n’y aura dans ces lieux ni cerveau nostalgique ni âme d’enfant.
Aujourd’hui je suis la seule "grand manitou" qui prends des décisions irréversibles.
Loin des yeux, loin du cœur et pourtant …une petite veinule enfouie à l’intérieur de moi juste à l’embrasure de la peau continue d'attiser un souffle d'émotion nostalgique...

mercredi 19 février 2014

A l'angle d'un arc de cercle





Dans un arc de cercle
trouvé au fond d’un tiroir
mon pinceau a posé délicatement des étoiles
une galaxie en formation serrée.
Dehors
malgré la nuit profonde
des astres indifférents
diffusaient leurs chaudes papillotes de lumière
ignorant le miracle qui s’ébauchait sous leurs yeux.

jeudi 13 février 2014

La mesure factice des choses




Réapprendre à vivre
A sentir le soleil sur la peau
A voir le ciel se couvrir d’ombre
Clairsemée de lumière

Je pourrais peut-être

Sans toi

Malgré toi

Ou mieux
-Laisse-moi encore rêver juste une fois –
avec toi

Juste tendre la main
Et rire
Ne plus se prendre au sérieux
Redevenir jeunes et fous

Donner aux choses leur valeur réelle
De choses mineures
Même si elles semblaient prodigieuses



Ne pas penser
Que la vie sera chamboulée
Pour un sourire
Un regard
Un mot tendre

Reconnaître
Que l’on peut avoir besoin
De ces choses mineures
Perdues dans l’immensité des
Tâches majeures

Du bout des doigts
Caresser ces moments suspendus
Éphémère félicité
D’un unisson fragile


vendredi 7 février 2014

Dans le parc





Je le suis
Je l’ai pris pour cible
Silhouette fluorescente
Au milieu du parc communal

Une brouette attend près d’un plan d’eau desséché
Il la contourne
La nie
fait le tour du plan d’eau
D’un pas calme et lent
Se dirige vers l’autre plan d’eau
Tout aussi tari
Malgré la saison des pluies
Le contourne aussi
Doit être un adepte du tourne-en-rond
Puis s’éloigne
Vers moi


Oserais-je l’aborder
Sous la visière de sa casquette grise
Je ne perçois pas son regard
Juste un pli de bouche sérieuse

Il faut que je franchisse le pas
Que je propose mes services
Il sera outré ou flatté selon le vent qui a poussé son premier pied hors du lit

La démarche hésitante
Prend une feinte assurance
Je le suis

À l’orée du parc
Un camion à la benne terreuse
Attend d’être vidé
Par lui et ses sbires qui travaillent déjà

Voilà c’est fait
C’est dit
Il me regarde étonné
Sa bouche ébauche un sourire furtif
Il accepte
Et par mimétisme, ses collègues aussi

Je dis des conneries
Histoire de justifier cette demande incongrue
Ils semblent satisfaits du moins les deux hommes
La jeune fille fluorescente elle aussi
Ne pète pas un mot
Elle a dû laisser son sourire
Au vestiaire
Ou épuiser son stock hebdomadaire

Qu’importe je les mitraille
Donnant à leur labeur
Une valeur symbolique
Le deuxième homme, tête nue malgré le froid
Est le plus expressif
Il me jette des coups d’œil curieux
je détaille ses gestes saccadés
le moulin de ses bras
La pelle qui valse dans l’air
Traînant sa ration de terre
Particules éparpillées
Et dans l’effort son regard s’habille
D’une beauté insoupçonnée...