jeudi 5 février 2015

Suivre les aiguilles



Je n’arrive pas à me débarrasser d’elle
Je l’ai trouvée un soir dans un fond de grenier
Capitonnée de toiles
Et contre toute attente
Elle gémissait encore
D’un râle irrégulier
Qui faisait vibrer les aiguilles dorées

Je l’ai descendue dans ce qui me sert de chambre
Mais ses craquements emplissaient le silence
Dans l’attente d’un futur à produire
Je l’ai balancée dans le garage

Chaque fois que la porte s’ouvrait
Elle me regardait plaintive
S’immisçait dans les conversations
Alors je l’ai portée à une œuvre
Pour qu’elle honore une tombola

Mais chaque fois que je vais quelque part
Une tombola me suit
Sans savoir pourquoi j’y joue
Et gagne
Cette horloge dorée
Qui se colle à ma peau

On m’a dit qu’il existe des objets
Qui choisissent
Où ils vont finir
Leur vie
Qui ils persécuteront
Jusqu’à extinction

Quand je l’ai placée derrière ma voiture
Et que j’ai innocemment reculé
J’ai entendu un frémissement
Comme une élytre de papillon

Mais de morceaux pas de trace
Dans le miroir la nuit
parfois elle me fait un clin d’œil
Et moi d’effroi
j'écoute son cœur battre
Et
Soupirer
Sans fin




14 commentaires:

  1. Un terrifiant tic tac... mais un très beau texte.

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  2. La vie personnelle des objets n'est pas toujours facile a ni a comprendre ni a accepter parfois...
    Un texte a aiguilles.

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  3. Les aiguilles, comme une piqûre inexorable du temps dans nos veines...
    Nul n' y échappe!

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  4. Très beau, très fort, une poésie à la Prévert doublée de l'angoisse profonde d'un Edgar Poe. Un texte qui colle aux tripes, suis admirative.

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  5. @ :-)
    Terrifiant oui, à la hauteur de la musique ...

    @ Thérèse
    Entre les aiguilles, il y a des espaces qui varient ...

    @ Staive
    Oui, ça fait mal quand elles sont mal réglées !

    @ Almanito
    Merci Almanito pour ces références dont je ne suis qu'une ombre modeste !

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  6. beau poème!
    aah, s'il suffisait de briser les horloges pour arrêter la dégradation biologique! ...

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    1. :-) prhase à double sens, Michèle, voire plus encore

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  7. La photo est superbe. J'aime beaucoup aussi la malice du texte (même avec une si triste fin).

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    1. Merci Claire. Les objets aussi contiennent autant de malice que les hommes voire plus...

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  8. J'aime beaucoup ce poème vaguement inquiétant. Comme le temps en fait, dont on ne décolle jamais.

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  9. Très joli et émouvant hommage à une simle horloge qui a une ame et me fait penser à la vieille l'horloge qui trônait dans la ferme de mes grands parents... en Bourgogne.
    Comme j'aimerais encore entendre les battements de son coeur au rytme du mien.
    - Merci de reveiller si joliment notre passé.

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  10. @ Caro
    Merci pour ta visite, contente que tu reviennes dans notre "temps", j'espère que tu vas bien !

    @ claire
    On a tous dans nos coeurs une horloge qui palpite. Amicalement.

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  11. On ne lui échappe pas. C'est au fond de nous qu'elle bat. Et quand elle commence à ralentir, à menacer de s'arrêter, on voudrait se suspendre aux aiguilles, pour les faire tourner à l'envers.
    Un très beau poème fantastico-philosophique.

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