jeudi 6 octobre 2011

Noire campagne




Dans ces pays de noire campagne, la vie était rêche mais on s’y habituait.
On s’habituait au regard noir des ouvriers agricoles, à l’œil perçant des chasseurs de gibier, aux pas feutré des braconniers, aux chiens qui aboyaient comme pour rire parce qu’une plume avait enfreint leur champ sensoriel, au chant des coqs déphasés qui chamboulaient le rituel sacré des heures.

A l’époque la grande menace pédophile n’était pas encore arrivée, les enfants pouvaient courir en vagabonds du dimanche, les mèches rebelles, les brins de foin parfumant leurs épis, leurs culottes trouées par les ronces ou les barbelés qui voulaient leur barrer le passage.

Chaparder était un sport de part et d’autre, certains endroits étaient tolérés comme no man'land et on faisait peu de cas de la disparition de quelques pommes véreuses ou de poires d’août juteuses mais à la vie éphémère.
Les garnements faisaient provision de ces fruits défendus et allaient se cacher au sommet des chariots de meules de foin en procession estivale.
Ils riaient saccadé tandis que leurs rires étaient étouffés par le grincement des roues et les sabots des chevaux de trait.

Dès qu’une rare automobile croisait leur convoi, ils se terraient ne laissant paraître que quelques cheveux ébouriffés noyés dans les fétus, pour qui aurait levé les yeux vers le ciel.

5 commentaires:

  1. Noires, tellement noires, étaient les entrailles arrachées au ventre profond d'un pays charbonnier. Des enfants traient alors le charbon sur le carreau des mines. Ou poussaient des wagons. Tous avec des poumons condamnés. Seuls leurs yeux étoilaient cette nuit permanente...

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  2. Il est à ce jour comme un rêve de paille ton beau pays ...malgré toute la rudesse de la vie ... Merci de me faire voyager ...

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  3. Depuis Matisse le noir est une couleur...hauts les cœurs !

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  4. Internet a mis la ville à la campagne !

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  5. @ Jea
    Une autre réalité plus noire encore confinée au fond des mines.
    Santocono qui enfant a vécu dans cet univers disait qu'il était pourtant heureux malgré le peu de moyens qu'on avait à l'époque. Mais il n'est jamais descendu dans la mine !
    Vous me faites penser à "Déjà s'envole la fleur maigre", j'ai assisté à sa projection en milieu italien. A un moment, quelqu'un dans l'assistance a reconnu les enfants qui faisaient des glissades sur des couvercles de casseroles. Une sacrée émotion de voir ces enfants vieillis !

    @ JEA
    Les rêves de paille construisent parfois des châteaux en Espagne !

    @ versus
    Les couleurs de Matisse sont des chauffe-coeurs !

    @ Nicolas
    ...et ce n'est là qu'un de ses modestes exploits !

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