mardi 18 janvier 2011

A chaque doigt




Elle avait des bagues à chaque doigt, de grosses bagues qui brillaient dans la nuit, rouge, orange, bleue …les couleurs de l’arc en ciel peut-être mais elle ne savait rien des couleurs de l’arc en ciel, elle disait ça fait joli et cela suffisait à sa satisfaction.

Il ne lui faudrait pas grand-chose pour faire son bonheur, des petits morceaux à joindre les deux bouts, le sourire convoiteur d’un homme pas trop mal foutu, une bouteille d’alcool ouverte dont le parfum s’évaderait délicatement.

Dans son deux pièces aux couleurs étriquées, un lit bancal, des rideaux délavés, un table aux pieds érodés par des griffes de chats-chiens, une tasse ébréchée, une cafetière en porcelaine de Chine.

Longtemps qu’un homme n’était entré dans ce sanctuaire de troisième catégorie. Longtemps qu’elle n’avait frotté le miroir graisseux où elle aurait pu se contempler déflouée.

Il lui restait ces mains de carnaval, déguisées pour la nuit, des mains sans caresse à donner et à recevoir, des mains transformées par l’arthrose que toutes les pierres du monde ne pourraient soigner. Des mains qui avaient frotté jusqu’à l’épuisement des corps d’abord, des objets par la suite.
Des mains si lourdes d’avoir porté toutes les détresses du monde.

Elle prit dans le tiroir une cigarette et un briquet, ce fut son dernier geste, celui qui ébranla son édifice.

16 commentaires:

  1. Dans la nuit fardée, ses bagues clignotent comme un phare.

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  2. des mains de carnaval
    qui transgressent l'ordre établi ?
    :)
    j'aime bien ce paragraphe là

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  3. beau texte, émouvant... fin de partie...

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  4. Comme des balles de lumière, dispersées dans le noir du temps, ce temps que l' on ne voit pas toujours arriver, ce temps que l' on ne peut plus prendre, édifice ébranlé !
    La main du dieu ?
    Abasourdi, meurtri...

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  5. Avant/après, un mouvement impitoyable...

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  6. elle avait des ba-agues à chaque doigt, des tas de bracelets autour des poignets... etc.
    http://www.youtube.com/watch?v=dcVcwwo8QFE

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  7. J'avais commencé à le lire en chantant comme Aléna, l'ai terminé ébranlée.

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  8. +
    Etrangers
    - mains de carnaval -
    ces fantômes.
    +

    Bien cordialement.

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  9. des mains au carnaval pour cacher un cœur pas en fête...

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  10. J'y suis... dans ces nuits glauques et interdites... De celles qui font plutôt faire des cauchemars que de doux rêves ! Quel texte..

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  11. Quand j'ai commencé à lire ton texte , j'avais dans la tête l'air d'une chanson de Jeanne Moreau ...Le tourbillon de la vie ...
    C'est un feu d'artifice qui éclate laissant son bouquet final dans les dédales des lignes de la main comme une peau de chagrin !
    C'est simplement beau ce que tu as écris ...

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  12. Et pourtant,c'est au pied d'un
    arc en ciel que l'on trouve le trésor ?

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  13. @ Gilbert
    Alternance de lumière et d’obscurité qui fait mal aux yeux.

    @ Mu Lm
    mais pas le désordre établi. Merci.

    @ JEA
    C’est, certes, plus joli qu’une Jeanne en noir et blanc !

    @ Aléna
    Pourquoi faut-il toujours que les choses émouvantes ait une fin ?

    @ versus
    Le temps qui toujours fuit, devant, derrière, pour aller dieu sait où !

    @ gballand
    Comme le balancier d’une horloge mais qui un jour s’arrête !

    @ aléna
    Tu n’as pas pu résister ? Moi, non plus !

    @ Isabelle
    Même les chansons ont une fin qui peut être tragique.

    @ Marcel
    Merci pour ce superbe haïku.

    @ Les Héphémères
    Le masque des mains …

    @ Ötli
    Ne vous attardez pas trop, on peut y faire de mauvaises rencontres !

    @ Marie
    Une vraie peau de chagrin sur les mains qui se crispent… Merci, Marie ! Bien vu !

    @ Carmelo
    Une nouvelle version de l’île au trésor ?

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  14. bouh, ça me donne froid, peur de ce qui pourrait être demain...

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