Pour toi, si seulement tu étais accessible, je ferais preuve d’une créativité exacerbée.
Je balaierais les montagnes, escaladerais les lacs, délierais les fleuves, imprimerais les terres. Je sauterais sur la vie, écarterais ses ailes figées, briserais les silences.
Mais
je n’ai jamais su qui j’étais vraiment ou simplement si j’étais,
j’étais comme la feuille qui meurt et renaît à chaque saison, légère et
craquelée.
Si seulement tu étais accessible, je pourrais
peut-être enfin arriver à prononcer ton nom, à soutenir ton regard sans
baisser les yeux, à respirer tranquillement sans que mon cœur s’affole.
Je serais alors ma propre paix intérieure au cœur de ta sérénité… si seulement tu étais accessible ou si seulement, j’étais !
Il suffirait peut-être d’un souffle de toi, pour que d’un bond, je disparaisse, moi, le pendant inaccessible de ta réalité !
Je l’ai
surprise dans un moment d’une captive attention, elle l’a gardée, elle ne m’a même pas remarquée, elle me
connaissait à peine, elle ne voulait pas être dérangée et moi, je ne voulais
pas la déranger dans un de ces moments de patience infinie qu’ont les enfants
quand ils se retrouvent seuls avec le monde qu’ils se construisent dans
l’instant…
Je ne lui a
pas montré la photo : à l’époque, ce n’était pas possible, il fallait
attendre le long processus du bain et des traitements chimiques.
Depuis elle
a grandi et j’ai renié mon bel argentique.
Il lui est
arrivé un jour de me suivre lors d’une visite chez sa grand-mère, dans ces
lieux collectifs que l’on appelle homes et qui ont tellement de mal à
ressembler à de vraies maisons.
Il y avait
là un beau jardin et des arbres à foison, une espèce de chapelle qu’elle a escaladée
armée de sa corde à danser bien peu pratique dans cet endroit. Cette fois, ça
l’amusait de me suivre et de me précéder, ravie de pouvoir être prise en photo
à n’importe quel moment… Peu lui importait de voir les photos, seul lui
importait cette promenade unique que nous faisions ensemble loin des tristes
regards de la vieillesse…Aujourd’hui, grand-mère est morte et nous ne voyons
plus, chacun a repris le cours de sa vie, ce fut un moment convergent à
l’époque d’une aïeule commune … je garde en mémoire le sourire de la fillette
et quelques photos qui me parlent encore d’elle … son beau prénom évoque à la
fois les entremets sucrés et sa capacité d’être aimée …