
Je n’ai jamais aimé ce garçon.
Plus grand que ses copains de classe, fils unique, il avait un malin plaisir à faire enrager les filles
Dans la cour de récréation, il se faufilait sous les barrières et allait cueillir des orties pour venir les agiter devant les filles en les menaçant de ses grands yeux de bille.
Alors, les petites se terraient dans quelque coin sombre pas loin de l’institutrice qu’il leur disait de se disperser.
Elle ne pouvait même pas imaginer que le fils de sa collègue, la future directrice était ce petit démon ravageur.
Je n’ai jamais aimé ce garçon.
Puis il a grandi et je l’ai perdu de vue.
Quand sa femme est morte, d’un cancer, je n’ai eu aucune compassion pour lui, il affichait cette froide indifférence qui dissimulait sa cruauté congénitale.
Non, je n’ai jamais aimé ce garçon et la réciproque doit être vraie : pour lui, j’étais invisible, à part à la maternelle quand je représentais une paire de jambes juste bonnes à être flagellées.