vendredi 27 août 2010

Des coups sur la persienne






Elle était venue tambouriner à la porte
J’avais déjà sonné le couvre-feu
J’avais déjà fermé les persiennes
Qui m’excluaient du monde

Je la connaissais de vue
Une forte femme à l’ossature puissante

Sa voix à côté de cette silhouette sculptée
Semblait empruntée à quelque autre,
Fluette et craintive

Elle m’a priée en hoquetant
De la laisser entrer
Tandis que sa poitrine opulente
S’agitait en soubresauts réguliers

IL allait se rendre compte
De sa fuite
Et la poursuivre
Pour continuer ce qu’IL avait commencé
Quelques heures plus tôt :
Un tabac

C’était sa manière-lanière
De lui prouver son affection
Avec éclat
Devant l’enfant
Qui n’était pas le sien

J’ai appelé la police
Me suis heurtée
À l’indifférence
Les femmes battues
Ça n’intéresse personne
N’ont que ce qu’elles méritent
C’était la xème fois …
Et quand ils arrivaient
Tout était recousu
IL se saoulait
Cassait ce qui était à portée de vue
Puis s’attaquait à elle
Moelleuse et consistante

IL a de nouveau frappé
Cette fois
À ma porte
J’avais coupé la sonnette
J’ai pensé
IL a un flair de limier
Non, il avait simplement vu
La lumière rouge filtrer
Derrière les rideaux mal lissés

IL pleurait presque
Regrettait
Ne recommencerait plus
Du moins pas tout de suite

Je ne répondais pas
La regardait
Elle, la crédule, la naïve
Prête à gober
Le premier mensonge venu
Pourvu qu’il soit tendre

Pendant qu’elle s’épanchait
Sur lui
Je pensais à l’enfant-témoin
Resté seul
Au milieu de la nuit.

15 commentaires:

  1. Les Héphémères27 août 2010 à 21:49

    bouh ça sonne vécu j'aime pas !!! pas tes mots la situation....C'est l'étape juste avant mon vieux texte sur le Diable et Chopin tu te souviens ???? Tu sais on aurait pu les marier nos deux textes en les mettant bout à bout... ça ferai un drôle de mélange de style... :*

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  2. Marrant car j'ai aussi pensé aux Héphémères... enfin "marrant", question de parler... mais je ne sais pas si "elle" est crédule et naîve etc. Elle ne peut peut-être pas faire autrement... culpabilité archaïque de la femme...

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  3. Un texte incisif, une réalité révoltante et abjecte. Merci pour elles Saravati, et pour eux, les enfants.

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  4. C comme Corinne29 août 2010 à 18:37

    douloureux...sujet grave et inquiétant que la violence dans l'amour ou le désamour.
    beau texte qui nous collette à la complexité des sentiments et à notre faculté à gérer l'Histoire.

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  5. Un texte fort qu'on lit comme un coup de poing. On est un peu sonné après.

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  6. Le double lien de l'insu portable

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  7. Une écriture en forme d'uppercut. Le plus difficile dans ce genre d'histoires consiste à passer au peigne fin les liens intimes qui "unissent" bourreaux et victimes. Comme l'a fait Hannah Arendt.

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  8. toc toc toc
    trois coups sur tes persiennes ! ;)

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  9. texte fort et cruellement vrai ! bon sang ... comme il fait froid d'un coup !!!

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  10. Un texte fort, poignant, réaliste. Beauté et violence du regard... J'aime!

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  11. @ Les Héphémères
    Oui, le diable et Chopin étaient sur la marche ultime, ici, on peut encore espérer des épisodes intermédiaires, mais j'y crois pas vraiment

    @ Aléna
    Et pourtant, quels trésors de naïveté et de crédulité certaines femmes ne déploieraient-elles pas pour se donner l'illusion de recevoir un peu d'amour ?

    @ Lynédice
    Dure réalité que celles des victimes et de leurs bourreaux qui eux, n'ont pas trouvé d'autres moyens d'exister, peut-être !

    @ Corinne
    Amour, désamour ou anamour ?

    @ Armando
    Il semble que les coups de poings ont des effets collatéraux !

    @ Isabelle
    L'insu portable et pourtant conscient ...

    @ Blog trotter
    Chacun à son tour peut être bourreau et victime mais sans relation de réciprocité, ou répercuter une situation d'infériorité cruellement ressentie sans même établir de lien.

    @ imagine
    Pour toi, la porte restera ouverte !

    @ k.rôle
    Les coups qui glacent et que l'on feint d'oublier...

    @ Géraldine
    Merci pour ton regard et tes mots

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  12. La violence naît de l'exacerbation d'un sentiment je crois. L'anamour mène à l'indifférence non ?

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  13. @ Corinne
    Indifférence ou distanciation.
    Parfois la simple peur de la solitude.

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  14. Bien raconté. La vie et ses misérables...

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  15. @ Nicolas
    leur misérable vie tient à leur fil !

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