Photo Annie Leibowits -12-1980 |
Annie Leibowitz était chez John Lennon ce 8
décembre 1980, quelques heures avant qu’il
ne soit sauvagement assassiné dans la rue pour une raison restée incompréhensible.
Cet après-midi, seule dans ma chambre à trier de
vieux papiers, - les papiers deviennent vieux dès qu’ils quittent le domaine de
la connaissance immédiate- j’ai eu envie
d’écouter en boucle ce que je considère avec Imagine comme la plus belle
chanson de Lennon : Woman.
J’ai toujours une profonde émotion en écoutant
cette chanson, merveilleuse déclaration d’amour au-delà de tous les obstacles
qui ont émaillé dans la vie de ce couple remuant et provocateur.
Annie Leibowitz fit de ce cliché un testament
avant l’heure, rabota les griefs qui parfois traversèrent la vie du couple,
dénuda contrairement aux standards d’esthétisme l’homme au lieu de la femme qui
se contente juste d’être et faire passer ce besoin de s’accrocher à celle qui
partageait les derniers moments de sa vie.
Pour Annie, pas de glamour cette fois-ci,
l’expression d’une manière d’être vrai avec l’autre. Quand Lennon vit la
version polaroid de ce cliché, il déclara “You’ve captured our relationship exactly.”
Etait-ce un reproche ou l’aveu de sa propre vulnérabilité face à la femme, la
sienne et la photographe qui a su si bien le capter jusqu’au dénudement ?
Il ne vit jamais la photo publiée, ce fut sa
dernière étreinte avec Yoko …
Toute femme à qui on dédierait Woman et cette
dernière photo qui dit tant aurait aimé être l’objet d’une telle dévotion.
Dans l’art, que ce soit une chanson, un texte,
une peinture, une sculpture …l’expression d’une dévotion même éphémère laissent
des traces indéfectibles. Et si ces traces viennent à être détruites, la
mémoire de l’objet de dévotion continue de se souvenir au-delà des
manifestations physiques…
Peut-être que la dévotion reste toujours du
domaine du virtuel, peut-être n’est-ce qu’un ressenti perçu au moment de la
connivence…Pour que cette connivence et cette dévotion qui en découle perdurent
au-delà de la magie initiale, faut-il être jeune, séduisant, sensible (ce
dernier point est parfois une pierre d’acchoppement quand l’autre avec le temps
qui effiloche la relation oublie que l’un existe et nie sa capacité d’aimer )?
Je dédie cette chanson à toutes les femmes qui
ont perdu un être cher qu’il soit disparu ou qu’il ait fui. Aux hommes dans la
même situation aussi, d’ailleurs.
Pour que l’amertume ne falsifie pas les
beautés passées et n’embrume les instants inoubliables, pour garder cette
faculté de s’émouvoir malgré la distance creusée et les aléas de la vie.
c'est un très beau billet....
RépondreSupprimerComme j'aime te lire dans les moindres détails et sans langue de travers ! même si cela t'enchante :) oublions un instant les jeux de mots ... je sais parler normalement tu sais et ici te dire que je suis très sensible à chacune de tes expressions ... La dévotion qui passe par le support artistique et qui demeure dans l'oeuvre, n'est-elle que leurre et virtuel au fond, dans l'instantanéité d'une émotion, l'heure d'un sentiment, le ressenti d'une époque ... Mais quand le chef -d'oeuvre opère toujours à nos oreilles emportées, comme c'est le cas pour moi en entendant cette chanson ( je ressens un peu la même chose avec" I'm a woman in love" de Streisand ) c'est une nostalgie belle pour la vie ...
RépondreSupprimerJe t'embrasse, femme !
Quels talents...
RépondreSupprimerMerci pour cet hommage à ces trois artistes (Yoko, Annie et John), j'abonde avec ta dernière phrase même si l'amertume se fait souvent sentir. Lennon reste l'un de mes artistes préférés, sans lui : pas de Beatles....
RépondreSupprimerUne belle reponse au mot "instant."
RépondreSupprimerNostalgique cette photo?
RépondreSupprimerPas trop car il faut se souvenir de son impact dans le contexte de l' époque et de l' image " auréolée " des Beatles.
Provocatrice sans doute lorsque l' on connait jusqu'à ce jour les poetics actions de Yoko Hono.
Dévotion alors?
L' action artistique devient un instant auquel d' autres moments vont succéder...
Et aussi à ceux qui n'ont rien perdu mais qui auraient pu, et qui savent encore célèbrer chaque jour le bonheur d'être deux.
RépondreSupprimerIl y a des chansons qui nous transportent, la musique c'est magique dans le sens où elle a le pouvoir de réunir des êtres souvent différents mais qui sont réunis par une même émotion ...
RépondreSupprimerMeilleurs vœux pour une belle année 2014 !!!
Quel plus bel hommage rendre à Lennon et Yoko que de dire leur amour, par de-là la photo à l'époque jugée provocante...il y a bien plus d'eux dans cette photo, il y a bien plus d'eux dans ton billet que ce que l'on a voulu y voir et le temps écoulé le prouve aussi.
RépondreSupprimerTrès émouvant, ce billet, à lire et à écouter - sans rien ajouter.
RépondreSupprimerTrier et jeter ses vieux papiers le dernier jour de l'année, pour en faire des confettis ?
Doux passage à l'an nouveau, Saravati.
Une belle chanson, qu'on écoute toujours en effet avec un peu de tristesse. Je me demande pourtant si c'est bien la "dévotion" qu'il faut attendre de l'amour. L'acceptation de l'autre, dans son humanité simple et fragile, mortelle aussi, me touche davantage - et on la voit aussi sur cette photo.
RépondreSupprimer@ Tous
RépondreSupprimerMerci à vous, que 2014 soit une année remplie d'espoirs et de réalisation de ces espoirs !
@ Veronica
Je ne sais si la dévotion n'est qu'un leurre, c'est un moment suspendu entre deux réalités, celle de l'artiste et celle de son admirateur, dure-t-elle ? Cela dépend de l'un et l'autre, et s'il n'y a pas de réciprocité dans les sentiments de l'un et l'autre, elle se nourrira de souvenirs qui supplanteront l'éphémère de l'instant ...je m'é-gare, ton train est-il déjà parti ou atteindrai-je la marche à suivre ? Merci à toi, belle un connue !
@ Patrick
Crois-tu que certains êtres sont-ils plus sensibles à l'amertume ? Il faudrait avoir la capacité d'oublier ...et pourtant, l'oubli n'est-il pas une extraction de ce qui fut beau ?
@ versus
Parfois la dévotion prend l'allure d'une admiration réciproque et c'est beau de s'en rendre compte même si cela ne dure pas...
@ Phil
Merci pour cette note positive
@ Almanitoo
Cette photo continue de m'émouvoir peut-être davantage parce qu'aujourd'hui elle est détachée de son contexte, c'est un beau moment d'amour, en tout cas !
@ Tania
Oh, j'ai encore des tas de confettis à traiter pour les années à venir, de quoi occuper les longues soirées d'hiver et les moins longues soirées d'été :-)
@ Carole
Je parle de dévotion dans le sens d'admiration et non d'amour. L'un n'empêche pas l'autre, l'amour devrait être égalitaire, la dévotion est une attitude réservée vis-à-vis d'une forme de supériorité de l'autre.
Je ne connaissais pas cette photo, c'est vrai qu'elle est incroyable: Yoko Ono habillée et un peu passive, masculine, je dirais et John Lennon, nu et recroquevillé en position fœtale .Il a quelque chose d'enfantin. C'est très touchant! Merci pour cette découverte.
RépondreSupprimerPasser à coté d'une telle photo ou la considérer comme provocante eut été manquer quelque chose, je crois...elle exprime une vérité confondante !
SupprimerUne photo très forte, ainsi que tes commentaires qui l'accompagnent.
RépondreSupprimerCette photo me saisit toujours autant. Surtout quand on sait ce qui va suivre. Je me souviens de ce soir de décembre 80, et la tristesse que j'ai ressenti. Surtout qu'il y avait cet album qui est un des plus beaux de lennon, ou il y avait cette sérenité retrouvée, quelques morceaux témoignant pudiquement des douleurs passées.... j'aimais lennon pour son humour, sa fantaisie, sa sincérité incroyable pour un homme de sa notoriété, pour les fêlures de l'enfance restées vivaces...
RépondreSupprimerTres belle photo, l'amour est palpable ...
RépondreSupprimerMerci à tous !
Supprimer@ kwarkito
Les fils du temps s'étaient emmêlés, j'ai corrigé la date.