mardi 23 novembre 2010

Plume (s)



J’ai toujours pensé que tu avais une plume
Toi qui habillais des chapeaux de mille fanfreluches plumetées

Quand tu avais fini ta composition
Tu prenais du recul et tu éclatais de rire
En balançant tes ciseaux, tes aiguilles.

J’aimais la plume qui squattait ton cerveau
Elle était légère et rieuse
Et tes chapeaux m’enchantaient

jeudi 18 novembre 2010

Dijon




J’ai vu Dijon, le Dijon qu’avait vanté Aloysius Bertrand, je l’ai vu dans la belle lumière d’un dimanche après-midi, j’ai vu le jacquemart, la cathédrale, les gargouilles ricanantes prêtes à me sauter dessus, je les ai figées de mon œil photographique.
Je n’ai pas aimé les touristes dont j’étais, j’aurai voulu la ville pour moi seule avec ses souvenirs redevenus dans ma tête vivants comme les comédiens de la vie d’antan.

Je suis entrée dans un musée et je me suis promenée, guettant la courbe racée d’une sculpture, l’expression d’un regard, le détail insolite, un lion aux yeux d’humain, des viscères étalées au milieu d’un ventre ouvert, et le visage de Napoléon, jeune, d’une belle couleur ocre avec les cheveux rangés et presqu’en bataille.
Je l’ai regardé sous toutes ses coutures, le captant dans mon viseur, manège qui a inquiété mes voisins, un couple du troisième âge.

Nous avons parlé longtemps, de photo, d’art, d’enfants, de métiers, de perspectives d’avenir. Elle, parisienne n’aimait pas Dijon, trop petit, trop mort…venue ici pour rejoindre un fils unique qu’on avait muté et qui a fini par ne plus avoir besoin de ses parents…Désillusion, déception de retrouver son mari retraité dans ce cercle réduit du couple.





Je lui dis la raison qui m’a attirée ici : retrouver ces ébauches de vie médiévale que le poète a décrites avec tant de ferveur.
Elle a mal compris, elle me parle du film de Yann Arthus-Bertrand qui a impressionné tant de monde. Je rectifie, mais cela glisse, elle ne m’écoute pas enserrée dans son monde d’indifférence et de dédain …Elle voudrait me prendre à partie, me dire sa solitude de femme, ses échecs de mère, la vie qui s’écoule loin de la ville où elle est née…

Mais d’où je viens, dans cette retraite de la montagne, dans cet embrasement de rochers, le contact avec la ville, les musées, les gens me paraît soudain si vain, si futile, absente au milieu des pierres, des monuments, des voitures, des piétons.
Je voudrais retrouver la solitude de la nature, la garder longtemps en moi. Je voudrais retrouver l’essouflement de la montée, la fatigue des mollets, la raideur des bras qui empoignent les marches et accrochent les longes, l’arrêt, suspendue dans le vide, pour embrasser le paysage alentour, les exercices de funambules sur la planche ou sur les filins avec pour toute attache deux fils qui me raccrochent à la vie et me sentir à la fois si haut et si petite…
Dijon, toi, si belle, je ne suis pas disponible pour toi, tu n’es qu’une étape sur la route du retour…






jeudi 11 novembre 2010

Disparue sans le savoir ?




Pendant quelques lambeaux du temps, je m’étais retranchée du monde.
J’avais traversé des mers, des fossés, des étangs, escaladé des murs, des montagnes, des étoiles au-delà de la voûte céleste, à la recherche d’un signe insolite.
Je m’étais évaporée, goutte d’eau caressée d’un rayon de soleil.
J’avais décomposé mes particules de matière pour les recréer dans un ailleurs parallèle.
Le lit gardait l’empreinte encore chaude de mon corps évanescent.

Il s’était retourné, me regardait et ne voyait rien qu’une légère boursouflure repoussée par les draps.
Il s’étonna de mon départ silencieux, me chercha dans la grande maison vide.

Quand il revint enfin, escorté par son inquiétude, je m’étais recomposée.
Je dormais calmement.

Il me demanda d’où je venais.
Je ne comprenais pas sa question.
J’étais restée suspendue dans les bras de Morphée.
Imperméable à son remue-ménage.

Il lui aurait suffi de se pencher vers l’ombre de mon corps invisible pour percevoir dans le silence le rythme régulier de ma respiration.

jeudi 4 novembre 2010

Abandon


Elle gisait là, au milieu d’un champ, sur une petite route de campagne déserte.
La cruauté des gens n’avait-elle pas de limites, elle avait servi fidèlement de réceptacle pour les postérieurs les plus divers, avait subi les assauts grattouillés des matous limeurs.
Elle était passée du salon à l’arrière cuisine presque sans transition, on l’avait jetée une première fois sur la rue, elle avait passé une nuit d’angoisse an attendant le camion-poubelle.
Par chance, des étudiants l’avaient récupérée avant le grand fauchage pour lui faire exécuter des prouesses photographiques.
L’année scolaire était terminée, ils devaient vider leur kot et se débarrasser de leurs vieilleries.
L’un d’eux avait pensé la faire passer entre les mains habiles d’un copain ébéniste, l’avait emportée dans le bric-à-brac de sa 2 CV déglinguée, s’était reviré en cours de route, imaginant déjà la tête des parents en voyant cette épave, avait pris un chemin de campagne et dans un dernier sursaut de non-violence, l’avait déposée délicatement sur la terre dont elle sentait déjà la moiteur dans ses flancs !




mercredi 27 octobre 2010

Départ ?



Dessin Marlène
Publié dans Blog à 1000 mains

Tu n’as pas compté les étoiles ce soir
Petite Fée.
Tu n’es pas apparue à l’embrasure
Tu n’as pas soufflé sur le vent
Entre les volutes de ton balcon
Ni éteint l’allumoir des réverbères.

Entre les pans de la lune
Qui se mire derrière les nuages étroits
Tu n’as pas annoncé la couleur du temps.


Où es-tu, Petite Fée ?
Dans quel royaume dévasté
Cultives-tu cette nouvelle passion
De l’absence ?

vendredi 22 octobre 2010

Pause

Un voyage éclair sans orage, j'espère

lundi 18 octobre 2010

Matin sans ivresse




Ce matin-là
un matin apparemment
comme les autres
tu avais oublié de me dire
bonjour
ou feint d’oublier.
L’écran était resté éteint
muet
et j’avais beau guetter quelque étoile.
Rien.
Ce matin-là
pourtant était
le début d’une nouvelle routine.
Sans toi.
Sans rires
sans escale
pour scander le rythme de mes jours
sans rythme.
Ce matin engourdi
piteux
inepte
où notre barque a pris l’eau
et n’est jamais remontée
à la surface.
Ce matin
après tant d’années,
toujours aussi froid dans ma mémoire

mercredi 13 octobre 2010

Vacances-bruine à Ostende




Je regarde la mer
Sur la vieille carte postale jaunie
Fraîchement sortie d’un coffret argenté
Piqueté d’un embryon de rouille
Du fond de mon grenier
Du fond de ma mémoire

Je me souviens
Week-end d’exil
Deux adolescentes en mal d’amour
Ce petit hôtel modeste
Désert en ces pluvieux jours de février
On mangeait en silence ce copieux repas du soir
Sans même entendre une mouche voler
Dans le resto ouvert rien que pour nous
Ils attendaient sans doute que l’on fasse vite
Pour fermer et récupérer un peu des longues stations debout des saisons estivales sans répit.

C’était la mode des parapluies transparents
Qui enveloppaient tout le haut des silhouettes

Et cette promiscuité avec le corps arqué
Qui leur permettaient de résister au vent
Chacune dans sa coque emmitouflée
Voix estompées sous la houle des vents

Malgré la bruine transformée en presque gouttelettes de brume
Nous avions l’impression de voir où nous marchions
Sur les pierres grises de la digue
Sur les coquillages écrabouillés dans le sable des dunes
Et les bancs de sable inondés et déserts.

mardi 5 octobre 2010

Un visiteur



























Sous les combles
Craquelants
Fissurés de juillet
Un lézard les observait
Ne comprenait rien
À ces gestes fiévreux
Ces mouvement irraisonnés
Murmures entrecoupés de gémissements
Ou l’inverse

L’heure de la sieste était sacrée
Pourquoi y déroger
Ces humains
Étranges

Dans un moment de clairvoyance
Au milieu des ébats
Elle le vit
Et poussa un grand cri
Un vrai, cette fois

Le charme était brisé
Le lézard effrayé
Se faufila par l’interstice
À peine visible
D’où il était venu

L’homme
Soudain neutralisé
Se retourna brutalement
De son côté
En grognant