jeudi 18 novembre 2010

Dijon




J’ai vu Dijon, le Dijon qu’avait vanté Aloysius Bertrand, je l’ai vu dans la belle lumière d’un dimanche après-midi, j’ai vu le jacquemart, la cathédrale, les gargouilles ricanantes prêtes à me sauter dessus, je les ai figées de mon œil photographique.
Je n’ai pas aimé les touristes dont j’étais, j’aurai voulu la ville pour moi seule avec ses souvenirs redevenus dans ma tête vivants comme les comédiens de la vie d’antan.

Je suis entrée dans un musée et je me suis promenée, guettant la courbe racée d’une sculpture, l’expression d’un regard, le détail insolite, un lion aux yeux d’humain, des viscères étalées au milieu d’un ventre ouvert, et le visage de Napoléon, jeune, d’une belle couleur ocre avec les cheveux rangés et presqu’en bataille.
Je l’ai regardé sous toutes ses coutures, le captant dans mon viseur, manège qui a inquiété mes voisins, un couple du troisième âge.

Nous avons parlé longtemps, de photo, d’art, d’enfants, de métiers, de perspectives d’avenir. Elle, parisienne n’aimait pas Dijon, trop petit, trop mort…venue ici pour rejoindre un fils unique qu’on avait muté et qui a fini par ne plus avoir besoin de ses parents…Désillusion, déception de retrouver son mari retraité dans ce cercle réduit du couple.





Je lui dis la raison qui m’a attirée ici : retrouver ces ébauches de vie médiévale que le poète a décrites avec tant de ferveur.
Elle a mal compris, elle me parle du film de Yann Arthus-Bertrand qui a impressionné tant de monde. Je rectifie, mais cela glisse, elle ne m’écoute pas enserrée dans son monde d’indifférence et de dédain …Elle voudrait me prendre à partie, me dire sa solitude de femme, ses échecs de mère, la vie qui s’écoule loin de la ville où elle est née…

Mais d’où je viens, dans cette retraite de la montagne, dans cet embrasement de rochers, le contact avec la ville, les musées, les gens me paraît soudain si vain, si futile, absente au milieu des pierres, des monuments, des voitures, des piétons.
Je voudrais retrouver la solitude de la nature, la garder longtemps en moi. Je voudrais retrouver l’essouflement de la montée, la fatigue des mollets, la raideur des bras qui empoignent les marches et accrochent les longes, l’arrêt, suspendue dans le vide, pour embrasser le paysage alentour, les exercices de funambules sur la planche ou sur les filins avec pour toute attache deux fils qui me raccrochent à la vie et me sentir à la fois si haut et si petite…
Dijon, toi, si belle, je ne suis pas disponible pour toi, tu n’es qu’une étape sur la route du retour…






11 commentaires:

  1. mais!!!! c'est là que j'habite!! oh! ce que c'est étrange de voir tes photos... amusant! tu aurais dû me prévenir, on se serait rencontrées!

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  2. ah! et merci de ne pas avoir parlé de la moutarde!

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  3. @ Aléna
    C'était l'année dernière, avant de te connaître !
    Mes photos ? Amusant, c'est amusant ce que tu dis là. Ce jour-là, la lumière était belle et je ne savais où regarder tant la ville m'a plu.
    J'ai beaucoup d'autres photos de Dijon.
    La moutarde ? Non, ce n'était pas un rendez-vous gastronomique ...

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  4. as-tu touché la maison sur la place avec la main gauche ? ;)

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  5. la chouette, vous voulez dire?
    (voilà que je me transforme en guide touristique)

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  6. Je comprends si bien ce besoin de retrait, si bien amené ici, dans cette rencontre ratée, trop bruyante et parachutée, où l'intériorité recherchée à l'extérieur est parasitée.

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  7. @ imagine
    Non, la chouette s'étaie envolée.
    Ce n'était pas un voyage préparé, juste une promenade dans une ville que je découvrais, sans à-priori !

    @ Isabelle
    On a beau se retrouver dans les mêmes endroits, on ne vit pas le plus souvent dans le même monde.
    Merci Isabelle, je me retire à l'extérieur !

    @ Marcel
    Oui, une découverte qui en vaut la peine et donne envie de revenir.

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  8. Un beau texte déconcertant, assorti de photos belles et bien choisies tout cela éveille une curiosité de bon aloi et à tout le moins l'envie de visiter Dijon.

    Amitiés,

    Marc

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  9. @ Gilbert
    Jusqu'à plus-soif ...

    @ Marc
    Envie d'y revenir aussi !
    Merci.

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