Un jour, on
entend une chanson qu’on aimait instinctivement sans jamais l’avoir comprise.
Un jour, on
ne sait pourquoi, on se demande pourquoi cette chanson nous touche, alors,
presque pour la première fois, on l’écoute. Avec une attention nouvelle.
On découvre
la richesse des paroles, la personnalité de chanteur, la particularité de sa
voix
On a envie
d’en savoir plus. Parfois il est trop tard, le chanteur a déjà disparu, on le
regrette, on regrette ces moment perdus à ne pas l’avoir connu, écouté,
apprécié.
Là où tu
t’es arrêté
Un jour de
trouble
Les
coquelicots ont poussé
Saisons
mélangées
Ciels
sombres sous horizon bouché
Des voix se
sont mêlées à ta plainte
Voix
étranges
Voix
étrangères
Elles aussi
croyaient en leur victoire
Elles aussi
voulaient voler au-delà des frontières
Élargir
leur espace
Servir leur
drapeau
Haranguées
par des épouvantails
À
l’uniforme rutilant
Un jour tu
as croisé ton frère
Et tu ne
l’as pas reconnu
Et lui ne
t’a pas reconnu
Au lieu de
tomber dans les bras
Vous êtes
tombés côte à côte
Dans un cri
de douleur unifiée
Coupables
de mort réciproque
Ici seuls
les coquelicots poussent encore
Et quand
part la belle saison
Ils
laissent des traînées sombres
Pour
rappeler l’ineptie
Des hommes
…
Saravati
J’ai trouvé plusieurs traductions de cette chanson
Je vous donne ma version personnelle, si elle perd un peu en poésie,
elle se rapproche assez bien du sens initial
Tu reposes enseveli dans
un champ de blé
Ni la rose ni la tulipe
ne te veillent à l'ombre des fossés
Mais mille coquelicots rouges.
Ni la rose ni la tulipe
ne te veillent à l'ombre des fossés
Mais mille coquelicots rouges.
Le long des berges de
mon torrent
je veux que descendent les brochets d’argent
je veux que descendent les brochets d’argent
Et non plus les cadavres
des soldats
Emportés par le courant.
Emportés par le courant.
Ainsi pensais-tu et c’était l’hiver
et comme les autres vers l’enfer
tu t’en vas triste comme il se doit
et comme les autres vers l’enfer
tu t’en vas triste comme il se doit
Le vent te crache la neige sur le visage
Arrête-toi, Pierre, arrête-toi maintenant
Arrête-toi, Pierre, arrête-toi maintenant
Laisse le vent passer un
peu au-dessus de toi
Il t’apporte la voix des
morts au combat
Ceux qui donnèrent leur
vie en échange d’une croix
Mais tu ne l'entendis pas et le temps passait
Avec les saisons à pas de java
Mais tu ne l'entendis pas et le temps passait
Avec les saisons à pas de java
Et un beau jour de
printemps
Tu franchis à la
frontière
Et tandis que tu marchais l’âme en peine
Tu vis un homme au fond de la vallée
Il avait une humeur identique à la tienne
mais l’uniforme d’une autre couleur
Il avait une humeur identique à la tienne
mais l’uniforme d’une autre couleur
Tire-lui dessus Piero, tire-lui dessus maintenant
et après un coup, tire-lui dessus encore
jusqu’à ce que tu le vois
et après un coup, tire-lui dessus encore
jusqu’à ce que tu le vois
Tomber à terre recouvert de son sang
Et si tu vises son front ou son cœur
il n’aura que le temps de mourir
mais moi j’aurai le temps de voir
De voir les yeux d’un homme qui meurt
il n’aura que le temps de mourir
mais moi j’aurai le temps de voir
De voir les yeux d’un homme qui meurt
Et pendant que tu lui
accordes ce répit
il se retourne, te voit et a peur
Et s'emparant de son arme
Ne te rend pas la politesse.
il se retourne, te voit et a peur
Et s'emparant de son arme
Ne te rend pas la politesse.
Tu tombas à terre sans un cri
et tu t’aperçus en un seul instant
que tu n’aurais pas le temps
de demander pardon pour tous tes péchés
et tu t’aperçus en un seul instant
que tu n’aurais pas le temps
de demander pardon pour tous tes péchés
Tu tombas à terre sans un cri
et tu t’aperçus en un seul instant
que ta vie se terminait ce jour-là
et qu’il n’y aurait pas de retour
et tu t’aperçus en un seul instant
que ta vie se terminait ce jour-là
et qu’il n’y aurait pas de retour
Crever en mai, ma Ninon
Il faut tellement, vraiment trop de courage
ma belle Ninon, droit en enfer
j’aurais préféré y aller en hiver
ma belle Ninon, droit en enfer
j’aurais préféré y aller en hiver
Et tandis que le blé t’écoutait
tu serrais dans les mains ton fusil
dans la bouche tu serrais des mots
trop glacés pour fondre au soleil
Tu reposes enseveli dans un champ de blétu serrais dans les mains ton fusil
dans la bouche tu serrais des mots
trop glacés pour fondre au soleil
Ni la rose ni la tulipe
ne te veillent à l'ombre des fossés
Mais mille coquelicots rouges.
Fabrizio De André est un auteur-compositeur-interprète italien, né à Gênes en 1940 et décédé à Milan en 1999. Personnage discret et un peu réticent vis-à-vis des représentations publiques.
Très jeune, il manifeste un penchant pour la poésie, la
musique et le théâtre. Il joue de la guitare et du violon lors de concerts de
jazz et de folk.
C’est sa chanson Canzone di Marinella en 1960 interprétée par Mina qui orientera son choix de
carrière : il abandonne ses études de droit et se consacre à la musique
Ses premières ballades sont inspirées par Georges Brassens et de la musique médiévale
des troubadours. Il a adapté et
interprété quelques chansons dont Le Passanti. Il est aussi influencé par Bob Dylan et Léonard Cohen.Durant sa carrière, de 1958 à 1997, Fabrizio De André (surnommé Faber par ses amis) enregistra treize disques où se côtoie la poésie et une vision fine de la condition humaine. Il y chante en italien aussi en dialecte.
De André explore l'histoire et l'âme de l'individu, raconte les contradictions, les passions, les échecs, soulève des problèmes sociaux, donne une dimension politique à ses chansons sans qu’elle soit vraiment explicite. Il chante l’amour, la nostalgie (Canzone di Marinella) mais aussi les exclus, les rebelles … Il dénonce la guerre (Andrea et La guerra di Piero), ou le massacre des indiens d'Amérique (Fiume Sand Creek) ; il s’arrête auprès d’une prostituée (Via del Campo, Bocca di Rosa), ou un « larron »sur la croix (Il testamento di Tito)…
C’est un chanteur apprécié énormément pour son talent et ses textes "engagés ». Plus de dix mille personnes ont assisté à ses funérailles.
Wim Wenders est un admirateur inconditionnel de De André.
Sources probables d'inspiration de la Guerra di Piero
La vision de la mort en direct de Piero, son corps qui se
mêle à la terre évoquent le sommeil du dormeur du val d’Arthur Rimbaud. Le rouge
au flanc du dormeur renvoie au rouge multiplié des coquelicots qui veillent sur
Piero.
LE DORMEUR DU VAL
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
On peut penser aussi que De André s’est inspiré d’une
chanson de Gustave Nadaud (chansonnier
et poète français, né à Roubaix (1830-1893) Le soldat de Marsala qui fait référence à l'expédition des Mille lancée par Garibaldi en Sicile.
D’autant plus que Georges Brassens que De André admirait
beaucoup a mis en musique et chanté plusieurs chansons de Nadaud.
·
Voici le début de ce texte de Nadaud :
LE SOLDAT DE MARSALA
Nous étions au nombre de mille,
Venus d’Italie et d’ailleurs,
Garibaldi, dans la Sicile,
Nous conduisait en tirailleurs :
J’étais un jour seul dans la plaine
Quand je trouve en face de moi
Un soldat de vingt ans à peine
Qui portait les couleurs du roi.
Je vois son fusil se rabattre :
C’était son droit ; j’arme le mien,
Il fait quatre pas, j’en fais quatre,
Il vise mal, je vise bien.
Ah ! Que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là ;
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala !
mais c'est plus un simple billet c'est tout un reportage, ou se melent information et douceur de tes regards :*
RépondreSupprimerEn écoutant la musique on pense immédiatement à Georges Brassens et pour cause :
RépondreSupprimer« S'accompagnant de sa guitare, il s'inspire de Georges Brassens, qu'il considère comme son maître, et dont il a d'ailleurs traduit ou adapté les plus belles chansons comme Les Passantes, Mourir pour des idées, Le Gorille. »
Voici pour être complet. Belle photos
Belle découverte que ce chanteur poète et engagé qui me fait penser aussi à paco Ibanez.
RépondreSupprimerTon poème très beau, lui rend un bel hommage.
Très amicalement
Alors, que poussent les coquelicots,
RépondreSupprimerAu plus rouge de la sédition,
Car toutes ces morts sont de trop
Aux survivants de nos conditions...
Amis, frères ou toute autre chose
Cueillez la fleur qui tout rougit
Toute passion rouge n'est pas rose
Tout coquelicot rouge est un ami...
instantané...
@ LH
RépondreSupprimer:-)
Quand reviens-tu ?
@ Francis
Les artistes ont leur parangon avant d'acquérir leur propre style !
@ Yanis
Paco Ibanez aussi a chanté Brassens avec talent !
Merci !
@ J.Earthwood
Il y a le langage officiel des fleurs et puis celui que notre sensibilité leur attribue.
Pendant des années, les coquelicots ont disparu et voilà qu'ils reviennent en force ces derniers temps ...J'ai vu ces champs constellés d'étoiles rouges...
Quelle symbolique peut-on donner à ce retour flamboyant ?
Merci pour tes mots, J.