mardi 15 novembre 2011

La ville





Avant toi, elle n’existait pas, oh bien sûr que si, sur le papier, dans mes souvenirs d’école secondaire, dans mes frénésies de shopping ou mes vaines tentatives d’évasion.

En réalité, elle n’existait pas vraiment, pas comme je la voyais depuis les rencontres du dimanche, les longs flirts dans le parc, les vitrines où l’on passait le temps à autre chose qu’à se regarder dans le blanc des yeux, les terrasses ensoleillées, les longues stations aux arrêts d’autobus, les signes de la main quand il s’éloignait dans la nuit pour une semaine, une éternité.

La ville était un rêve auquel on s’accrochait, un sapin qu’on décorait de lampions.
Chaque coin de rue racontait notre histoire.
Et puis la vie nous emporta dans une autre histoire, la ville passa au second plan.

J’avais oublié à quel point la vie est belle quand on est amoureux, du moins quand on croit l’être, quand on se fixe, apeuré, un premier rendez-vous en espérant très fort en fermant les yeux que ça se passera pour le mieux, que les atomes s’accrocheront jusqu’à ne faire plus qu’un, que les paroles ne seront que des prétextes pour tisser des liens plus forts plus vrais.

Alors le soir du rendez-vous, quand les pas reprennent chacun leur destination initiale dans des directions diamétralement opposées, je n’avais pas envie de quitter la ville, pas envie de retourner dans un chez moi devenu étranger. Je continuais à marcher pour prolonger la magie, une présence accrochée à la mienne et dans la tête des paroles de tendresse qui résonnaient encore et encore.

Quand les paroles se sont évaporées, que les images sont devenues floues comme ne faisant pas partie d’une réalité contestée, la ville a cet autre visage qui n’est plus qu’un brouillard en formation. Serait-ce l’éternel automne ou verrais-je une autre saison une fois libérée de son regard-souvenir ?

Il va falloir réapprendre à dessiner la ville sous d’autres couleurs que les siennes. Je dois exorciser ces milieux qui furent nôtres pendant quelques instants dont je ne comprenais pas la grandeur et la fragilité ; je dois retourner là où je l’ai découvert, planifier l’indifférence ou prendre la conscience du moment présent, seule avec moi-même, témoin neutre d’une histoire somme toute banale.

Sous un jour nouveau, la ville est devenue une panoplie de villes avec une palette interminable de couleurs, de sentiments, interchangeables ou pas, des crépuscules rougeoyants ou des matins de frilosité, des averses chaudes ou des grêles dévastatrices. La ville comme un monstre de science-fiction, tentaculaire ou vide, comme un fantasme fantasy arc en ciel ou nimbo-stratus en déroute, avec ses petits hommes-pions qui scandent la circulation, ses vitrines exorbitantes où les reflets se noient à foison, ses flaques dont chaque goutte éparpillée ouvre sur d’autres mondes.

Puis un souffle de nostalgie qui gomme le présent, faisant croire encore au miracle de la rencontre, douce ou cruelle récidive.

La ville derrière moi qui m’entoure ou me glace, celle où je t’ai cru vivant, aimant, attentionné.
La ville qui peut encore renaître des cendres qu’elle n’a pas consumées.
La ville ardente comme la vie devrait l’être...




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6 commentaires:

  1. Quand elle n'a pas encore pris d'embonpoint ni la grosse tête, on dit :
    - "village" (sans préciser pour autant celui-ci) !

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  2. Extrait de "Papillons de nuit"

    Comme un papillon de nuit
    Je n’ai pas vu venir le jour
    Le soleil m’a ébloui
    Pour me jouer un mauvais tour

    La nuit
    Tous les rêves sont gris
    Et le jour
    Sont-ils d’amour ?

    J.Earthwood 2006

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  3. La ville, qui est un décor à nos vies

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  4. La ville vite!
    La ville j' y suis.
    La ville j' y reste.
    Je suis un ravi de la ville!

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  5. moments cruels! il me vient ... des choses banales : un seul être vous manque et même la ville est dépeuplée...ET BIEN l'inverse de Versus existe aussi...le silence des "régions désertes" donne tout son sens à l'introspection! rien pour détourner l'esprit!on réfléchit bien au calme!et donc on trouve des solutions! peut-être! et même M. De La Fontaine(Le Rat de ville et le Rat des champs) est d'accord avec moi! ; et prend évidemment parti pour le calme de la vie à la campagne, position qu’il a déjà défendue dans « Le Songe de Vaux »

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  6. @ JEA
    C'est la proximité des gens qui donnent aux lieux leur statut de ville. Mais il y a des villes désertes comme des îles désertes. Elles le sont quand le coeur se sent solitaire dans la subjectivité des sentiments.

    @ J.Earthwood
    Les rêves n’attentend pas la nuit pour révéler leur noirceur. Et pourtant ils nous sont indispensables pour atténuer certaine cruauté de la réalité !
    Joli texte !

    @ caro_carito
    Je dirai un des décors de nos vies qui sont des fragments de théâtre

    @ versus
    Un ravissement peut-il se transformer en ra-visseur ?

    @ Gwendoline
    J’aime ces commentaires instantanés et ces mots qui entraînent l’esprit dans un grand tourbillon.
    Mais contrairement à la source des mots de la Fontaine, la vie à la campagne à l’image de la nature est aussi bien cruelle. Manger ou être mangé, est-ce vraiment un choix ou plutôt une fatalité ?

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