samedi 17 juillet 2010

Fin de tournage



J’avais l’impression de jouer dans un mauvais film, que la moindre variation de scénario ramènerait à la case départ, sans issue possible pour la belle idylle que j’avais envisagée avec l’acteur principal.


Non, ce n’était pas un jeune premier.
Il ne devait pas être à son bout d’essai.
Il maniait le rôle avec une dextérité stupéfiante.
Calembours, coups de théâtre, dérision, causticité, humour, imagination débridée …
C’était un plaisir renouvelé que de lui donner la réplique.

Il était avenant, attentif … il me donnait parfois des conseils d’écriture, peaufinait certains de mes dialogues, me secouait dans mes déclarations péremptoires.

Il s’absentait souvent, appelé vers d’autres missions de représentation.
Il avait de beaux rôles à jouer ailleurs, une célébrité à entretenir, des femmes adulantes à rencontrer, des intellectuels éclairés avec qui avoir des conversations utiles.

Et moi, je me sentais toute petite.
Cet univers filmique était quelque chose d’étranger pour moi.
Qu’il m’ait laissé entrer dans le sien, je n’en revenais pas. Ma lucidité habituellement clairvoyante à ce sujet semblait s’être endormie.

Quelques houles étaient venues perturber la douceur béante où nous avions baignés au début. Certaines piques, des propos acérés de part et d’autre avaient obscurci nos échanges. Mais je comptais sur la tendresse que j’avais ressentie très fort pour niveler tout ça.

Puis, après une plus longue absence, il revint, distant. Ses réponses étaient plus évasives, plus hésitantes. Il me dit enfin ce qui couvait depuis un certain temps : le rôle ne l’intéressait plus. Il ne parla alors plus que de divergences.

Je pensais qu’il avait trouvé un contrat ailleurs. J’en eus bientôt la confirmation en lisant un entrefilet dans la gazette. Sa partenaire était la partenaire rêvée : belle, jeune, cultivée, spirituelle, prête à déployer le tapis rouge flatteur à la moindre de ses répliques, goûts déclarés identiques, connivence apparemment parfaite !

Moi, je suis restée seule avec mon scénario inachevé.
J’ai bien essayé de lui concocter quelques variantes mais le moral n’y était pas, le moteur, non plus, parti pour une autre adresse.

Alors j’ai placardé sur la porte des coulisses :
Suspension à durée indéterminée pour cause de désistement …

17 commentaires:

  1. de la littérature tout ça
    tu vas te bouger les fesses et lui montrer que tu existes ailleurs que dans le scénario qui est écrit ;))

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  2. on se sent comme ça des fois sans raison, des fois avec raison.

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  3. @ Virginie
    La mélancolie n'est-elle pas une source inépuisable d'inspiration ?

    @ imagine
    J'aime ton dynamisme communicatif !

    @ cari carito
    Ne pas oublier qu'il y a derrière tout ça de nouvelles pages à remplir ! Avec ou sans raison, oui.

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  4. Quand ça ne tourne plus rond....
    Tu viens d'inverser les rôles, ici : il a juste un rôle de figuration. ;-)

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  5. @ Co errante
    Bien vu. Me voilà vedette principale ... au milieu d'un studio vide !

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  6. Montres nous ta mélancolie heureuse et oui ça existe ! Ce vieux premier n'était pas si intéressant que ça :) Dis toi toujours que tu vaux mieux !

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  7. @ Virginie
    Tu as raison, ce jeune vieux premier devait déjà avoir beaucoup servi. Finalement, il doit s'ennuyer à jouer toujours le même rôle dans un contexte différent. Mélancolie dépassée !

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  8. Une écriture très féminine (selon mon modeste point de vue)...

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  9. @ Marcel
    On ne peut cacher sa véritable nature !

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  10. pour moi aussi le scénario a mal tourné... comme il est dit plus haut : ils ne nous méritent pas !!! mais ça casse quand même... bises

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  11. @ Carole
    Il y a des gens qui privilégient le court terme, même si ça fait des dégâts autour auprès de ceux qui voient les choses à plus long terme. Le monde est fait de ces incompréhensions qui résultent d'une autre perception de l'espace-temps.
    Et puis la vie n'est pas un scénario unique ...

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  12. il est temps de dégoter un jeune premier ...;o))

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  13. @ Les Héphémères
    Paraît que les (jeunes) premiers seront les derniers.

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  14. c'est toujours bien un petit dernier ...pour la route !

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  15. Suspension à durée inderterminée pour cause de désistement...
    (Elle est bien trouvée celle-ci)

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  16. @ Laurent
    Merci. Le problème c'est qu'à force de rester suspendu, on finit par avoir des crampes !

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